Miroir mon beau miroir...
Depuis deux ans, Heather Champ, graphiste canadienne, gère un site composé d’autoportraits d’internautes réalisés dans des miroirs. Près de 1 700 contributions pour une étonnante galerie d’images.
Si Narcisse avait connu l’autoportrait, aurait-il échappé à la noyade ? Si l’on en juge par le nombre d’images présentées par le Mirror Project, on est en droit d’en douter. Parallèlement à la vague déferlante des journaux intimes, appelés weblogs, sur le Web américain, la pratique de l’autoportrait est devenue, grâce à la simplicité d’utilisation des appareils numériques, une véritable tendance.Depuis 1986, Heather Champ, une jeune graphiste canadienne installée à San Francisco, collectionne des photos d’elle, réalisées sur toute surface réfléchissante possible. Diplômée de l’université de Guelph, elle s’est, dès 1994, très vite fait connaître comme webdesigner. Elle a notamment travaillé à New York pour Benetton, Art & Commerce ou Sony. Mais elle a persisté dans une pratique très soutenue de la photo et, en octobre 1999, elle a décidé de rassembler toutes ces images et de lancer son site sous le pseudo de Jezebel : The Jezebel Mirror.
Phénomène mondial
Outre le miroir de la salle de bain, universellement prisé par les narcissiques modernes, on trouve là une immense variété de reflets : de la petite cuillère à la boule à facettes, en passant par le pare-chocs chromé de la Chevrolet ou les vitrines de magasins... Tout ce qui brille est prétexte. Très rapidement s’est créé autour de ce site une communauté des « Amis de Jezebel », tout d’abord constituée de la sphère des graphistes multimédias, qui envoyaient leurs contributions. Peu après sa mise en ligne, le site a obtenu le prix américain « Project Cool Sighting », récompensant les sites les plus créatifs de la communauté des webdesigners.
« Enfin, je me suis rendu compte que je n’étais pas seule à me mirer ainsi ! J’ai ensuite parlé à mon copain de l’idée d’un site uniquement dédié aux images des autres. À Noël, il m’a offert le nom de domaine mirrorproject.com. J’ai passé six mois à mettre le site sur pied, durant mon temps libre, car je travaille pour une start-up qui développe du Java. Grâce à une base de données toute simple, les images viennent maintenant s’empiler dans l’ordre chronologique. »
Le site a fait peau neuve le 7 juin 2000. Il présente, aujourd’hui, 1 700 images. Chaque internaute peut laisser un lien vers son site personnel et c’est là l’occasion de découvrir que la tendance à l’autoportrait est un phénomène mondial. On compte beaucoup d’internautes américains, chinois, espagnols, australiens, suédois ou coréens...
Projet de groupe
« Sans être un véritable miroir de la société, le Mirror Project est un bon exemple de ce qu’Internet peut offrir : une possibilité d’auto-édition pour chacun, l’opportunité de participer à un projet de groupe, de connaître d’autres gens sur la planète », affirme Heather, refusant l’idée d’une démarche narcissique. « La plupart du temps, ces images ne sont pas prises spécifiquement pour le site. Certaines ont même été faites des années auparavant. Les gens ne tentent pas de se cacher derrière une image. Ils se montrent plutôt tels qu’ils sont. »