Longs métrages, bandes-anonnces... Le site fondé par Stéphane Doddelonde offre une deuxième chance aux œuvres oubliées. Et prépare leur avenir avec l’UMTS.
Pour devenir producteur de cinéma indépendant, Stéphane Doddelonde, 41 ans, est curieusement passé par l’ENA, les Finances, la direction d’Havas. Son luxe, aujourd’hui ? Ne travailler qu’avec des réalisateurs qu’il admire, comme Olivier Assayas, Lætitia Masson ou Claire Denis. Fidèle à la même logique, il offre depuis deux ans une seconde chance à ces films de qualité que l’absence de moyens empêche de sortir en salle. En ligne, sur LiberaFilms, il propose aux cinéphiles de télécharger des raretés et compte bien bouleverser leurs habitudes avec l’UMTS.
Pourquoi avez-vous choisi de diffuser des films sur le Net ?
Le Réseau peut aider à sauver un certain cinéma, en proposant à moindre coût des films à un public mondial. Le coût de ce type de diffusion est sans commune mesure avec celui d’une vidéo - plus de 500 000 francs - ou celui d’une sortie en salle, le double.
Quel est l’objectif de LibéraFilms ?
Le site entend décloisonner des marchés nationaux de plus en plus fermés. À part de rares Pedro Almodovar ou Bigas Luna, il est impossible de voir en France un film espagnol - ou italien, latino-américain, anglais, sauf si, par chance, il a intéressé un producteur des ...tats-Unis. La réciproque est vraie. Montrer un film français en Espagne ou en Allemagne est de plus en plus ardu.
Vous proposez peu de titres « grand public ». Est-ce délibéré ?
Notre site s’inspire du modèle de la vidéo américaine. Outre-Atlantique, on vient chercher au vidéo club un film chinois, un film gore, un film de baston. Tout ce que ne proposent ni les salles, ni la télé. Nous offrons des longs ou des courts métrages, des bandes annonces, des documentaires, tous introuvables ailleurs.
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Pour 3 euros, est-on prêt à regarder
90 minutes d’image moyenne ?
Une bonne carte graphique et une connexion à haut débit assurent une qualité tout à fait acceptable. L’image occupe déjà le tiers ou la moitié d’un écran standard, avec une définition très correcte. Et nous faisons tout pour améliorer le format, le son et l’image. Renaud Dalbera, qui travaille avec moi, suit de près l’évolution technique. Depuis qu’il met nos films en ligne, il a déjà utilisé 4 générations d’encodage !
Le piratage des fichiers numériques vous inquiète-t-il ?
Oui. Aux ...tats-Unis et en Europe, le cinéma a compris qu’il ne fallait pas répéter l’erreur de la musique. La prohibition encourage la formation d’un marché parallèle. Au lieu d’attendre que le piratage se développe, les ayants-droits [responsables des catalogues de films, NDLR] sont donc prêts à négocier pour que leurs films soient téléchargeables sur Internet.
Vous êtes parvenus à coder des films pour les diffuser sur un PDA au format UMTS... non encore disponible. Pourquoi tant d’efforts ?
Nous collaborons avec Jean-Luc Lagardère. Il nous a dit : « J’aimerais bien voir ce que ça donne. » Et nous voulions savoir s’il était possible de regarder un film sur un téléphone mobile, dans le métro ou au café. Compaq nous a prêté un iPaq avec antenne et carte vidéo, plus une borne UMTS. Devant le résultat, les gens de Compaq faisaient la tête : ils ne maîtrisent encore que l’encodage des fichiers son !
Pensez vous que l’UMTS soit une technologie d’avenir ?
Avec lui, le cinéphile pourra regarder un film sur l’écran de son téléphone. Mais je crois surtout qu’il transformera les téléphones mobiles en modems wireless. Avec ceux-ci, on téléchargera dans la journée un film depuis son ordinateur. Le soir, il suffira de connecter le mobile à son téléviseur pour voir le film dans son salon. Par l’Internet et 24 heures sur 24, le mobile sera un moyen simple d’accéder au cinéma. De la bande-annonce au long métrage.
Propos recueillis par Anne Lindivat
Une cinémathèque
en libre service
LiberaFilms est le seul site français à proposer une diffusion cinématographique via Internet. Depuis le 17 juillet 2000, il propose, sous plusieurs formats de lecture, l’accès à 28 longs métrages et à 36 courts, en streaming ou en téléchargement. Si les courts sont gratuits, les longs métrages se paient en ligne 3 euros (moins de 20 francs) pour 48 heures, délai au-delà duquel le fichier se
dégrade.
Outre nombre de classiques (Le Dernier des Mohicans, coréalisé par Maurice Tourneur, Le Voleur de Bagdad, de Raoul Walsh, etc), on note quelques films récents tels Un frère, avec Emma de Caunes ou Sabine, de Philippe Faucon. Dans les six prochains mois, LiberaFilms mettra en ligne plus de 300 titres, signés, entre
autres, Youssef Chahine, Mathieu Amalric, Emilie Deleuze et Jan Kounen.
Richard Ignazi