

1er/03/2001 • 11h13

Les nerfs à vif

archmag12
L’implant cochléaire est l’exemple le plus abouti des prouesses déjà accomplies par la bionique. Cet appareillage électronique à 150 000 F pièce permet déjà à quelque 5 000 personnes atteintes de surdité profonde d’entendre à nouveau, presque comme n’importe qui. Un micro transmet des sons à un processeur fixé sur le contour extérieur de l’oreille. Le processeur code les sons sous forme de signaux électriques. Les signaux sont ensuite envoyés à travers la peau vers un minuscule implant greffé à l’intérieur de l’oreille. De l’implant sortent quinze électrodes, branchées sur les terminaisons du nerf auditif. Les électrodes stimulent le nerf, et réveillent un sens endormi, parfois depuis la naissance.
Le principe des implants rétiniens est assez proche. Mais les résultats obtenus jusqu’ici demeurent - relativement - maigres. Une demi-douzaine de laboratoires aux ...tats-Unis, en Allemagne et en Suisse planchent sur des projets d’yeux artificiels. L’idée consiste à relier une caméra montée sur de grosses lunettes à une soixantaine d’électrodes en platine, implantées sur une surface de 2,5 cm2, directement à l’intérieur du cortex visuel. En 1999, grâce à ce système, Jerry, un patient du docteur William Dobelle (un chercheur installé à Zurich) a pu voir des formes émerger d’une grille irrégulière de gros points lumineux. Un peu comme les lettres sur les écrans géants des stades de foot. « La qualité de l’image obtenue est équivalente à 0,5/10 par rapport à la vision moyenne », indique le Docteur Dobelle.
Ces deux types d’implants démontrent la formidable souplesse cognitive du cerveau. Car c’est lui qui fait l’essentiel du travail. Un implant cochléaire ne permet pas d’entendre immédiatement après l’opération : les signaux qu’envoient les électrodes sont très pauvres par rapport à la complexité du son réel. Petit à petit, le cerveau va réorganiser et interpréter les messages partiels qu’il reçoit. Le docteur Maurice Dematteis, spécialiste de neurophysiologie à l’hôpital de Grenoble, explique : « Cette capacité d’adaptation du cerveau s’appelle la “ plasticité synaptique ” : avec un tout petit peu d’aide artificielle, c’est le système nerveux qui, de lui-même, complète et reconstruit le message. » Dematteis ajoute : « Mais nous sommes très loin d’avoir compris comment il s’y prend. »
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