Prélevé sur une jeune maman péruvienne, le précieux lait contient une bactérie très rare, la reuterine. C’est une entreprise suédoise qui rafle la mise.
C’est l’histoire d’un yaourt au lait de femme. L’histoire d’une Péruvienne dont le lait maternel était si bon, si pur, que grâce à lui, quelques chercheurs d’une société du nord de l’Europe ont pu faire fortune. En 1991, le docteur Ivan Casas, un biologiste péruvien travaillant aux ...tats-Unis, retourne dans son pays d’origine. Il est à la recherche de la reuterine, une bactérie présente dans le lait de nombreux mammifères et capable d’éliminer tout un tas de cochonneries microbiennes (listeria, staphylocoques, etc), qui prolifèrent parfois dans les produits frais. « Dans les pays sous-développés, le corps est naturellement mieux protégé contre les problèmes alimentaires », commente, aujourd’hui, Ivan Casas. Lorsque le chercheur débarque à Lima, la reuterine – dont l’existence est connue depuis les années 60 – n’a jamais pu être isolée, ni exploitée en laboratoire. Après quelques semaines d’enquête infructueuses, Casas se rend à l’hôpital de Huanacayo, une cité andine qui se trouve être sa ville natale. Là, il demande à une sage-femme l’autorisation de prélever des échantillons de lait maternel sur sept femmes. Trois de ces échantillons contiennent de la reuterine. Casas n’en ramènera qu’un seul dans le monde « développé ». À qui appartenait-il ? Ivan Casas, aujourd’hui âgé de 62 ans, assure qu’il l’ignore. « Nous respectons l’anonymat », se
justifie-t-il.
La reuterine est désormais le produit phare de Biogaia, une entreprise suédoise dont Casas dirige le département américain de recherche et développement. Biogaia dispose d’une équipe de 55 scientifiques, pour un budget de recherche qui s’élève à 20 millions de dollars depuis 1991. La société, basée à Stockholm, a vendu des licences d’exploitation à des géants de l’agro-alimentaire, un peu partout dans le monde. Aux ...tats-Unis, Nature’s Way utilise la reuterine dans la fabrication de boissons destinées aux sportifs. La filiale espagnole de Kraft-Jacobs-Suchard (le plus grand groupe alimentaire mondial) se sert de la bactérie dans le conditionnement de jus de fruits et de toutes sortes de produits laitiers. Au Japon, Chichiyasu commercialise des barres alimentaires, des glaces, de la margarine et des céréales à base de reuterine. En Suisse, le laboratoire Hoffmann-La Roche intègre la reuterine dans l’enveloppe de ses médicaments. En Afrique du Sud, BioPro, une société locale, vend la bactérie sous forme de petites tablettes à mélanger dans la nourriture. Au Danemark, en Suède et aux ...tats-Unis (chez Forster Farms), la reuterine est présente dans certains aliments destinés aux poulets et aux cochons. Au Pérou, une femme qui pourrait être millionnaire ne sait sans doute même pas ce qu’est la reuterine…