Depuis plus de dix ans, le X gay est devenu un marché rentable et incontournable. Interviews croisées de trois spécialistes.
Le marché du X gay s’est considérablement développé dans les années 90, surfant sur la vague minitel pour engranger des profits à faire pâlir d’envie n’importe quelle dotcom. Anonymat, interactivité, la « niche » des gays est très porteuse. Interviews (par mails) croisées de Jean-Philippe, observateur des médias gays (Media-G.net) ; de Marco, fondateur d’un webzine indépendant (Inke) ; et de Stéphane, un pro des services homos (Le Gladiateur).
Quelle influence ont pu avoir le minitel, puis le Net, sur le mouvement gay ?
Marco - inke.free.fr
Ce n’est pas évident d’aller acheter du porno gay en sex-shop, ou autres magasins, pour un gay qui ne s’assume pas réellement... Quand j’avais 18 ans, je me croyais anormal et je mettais une heure avant d’aller franchement dans le kiosque à journaux, que je choisissais d’ailleurs loin de chez moi, pour acheter des magazines. Le minitel et l’Internet sont des lieux qui permettent de se construire, d’être à l’aise dans son élément et de constater qu’on n’est pas tout seul. On n’a pas à affronter les regards, et l’on s’aperçoit aussi rapidement que baiser, c’est bon ! J’ai rarement eu des discussions profondes par minitel, en revanche, j’ai eu beaucoup de pénétrations profondes ! Mais je pense aussi que découvrir sa sexualité dans l’abondance totale de bites, cela peut être déstabilisant et entraîner une véritable dépendance au sexe. Le minitel, le Net aujourd’hui, c’était pour moi le sexe facile, un peu comme les livreurs de pizza qui te livrent en 30 minutes.
Jean-Philippe - www.media-G.net
Je pense que l’anonymat explique en grande partie la rapidité du développement du Web gay, y compris pour les sites sans pornographie. Se connecter sur une URL depuis chez soi est une démarche bien plus facile que d’aller acheter Têtu ou Honcho à la librairie du village. L’interactivité du minitel et du Web a également permis à de nombreux homosexuels de rompre l’isolement et de faire des rencontres grâce aux chats, aux forums et aux petites annonces. Les parties interactives des grands sites gays français (non porno) sont d’ailleurs les plus consultées, face à un éditorial souvent très pauvre. Plusieurs responsables des principaux sites gays me l’ont confirmé... « en off », certainement pour ne pas effrayer des annonceurs globalement encore assez frileux.
Le Web a-t-il développé le business du X gay ou n’est-il qu’une plate-forme commerciale de plus pour ceux qui œuvraient déjà dans le Minitel et le porno ?
Stéphane - www.legladiateur.com
...trangement, ce ne sont pas les sociétés du X gay qui se sont mis à l’Internet gay, probablement à cause des aspects techniques plutôt imposants. Il faut reconnaître aussi que le bon vieux marché classique fonctionne bien, voire mieux, alors pourquoi se lancer dans la folle aventure numérique et planétaire, au risque d’essuyer les plâtres ? Beaucoup de professionnels ont d’ores et déjà raté la marche parce qu’ils pensaient que le « sexe virtuel » n’irait pas loin, alors qu’une fille ou un mec sur un écran est tout aussi virtuel qu’une fille ou un mec sur une cassette vidéo... Mais il faut reconnaître que si l’adult business ne s’était pas largement intéressé à l’Internet, certaines techniques, voire l’Internet lui-même, n’aurait pas connu un tel essor. Il serait intéressant de connaître la part du chiffre d’affaires généré par Internet, grâce à l’adult business, dans le chiffre d’affaires global de la netéconomie. Mais Internet est aussi une zone d’expression, de toutes les expressions. Le sex business est à l’Internet ce que le foot est au sport : le loisir numéro 1... ;-)
Jean-Philippe (www.media-G.net)
La majorité des sites pornos « gay » sont, en fait, mis en place par des sociétés s’adressant habituellement à des hétéros. Le marché gay est réputé (à tort ou à raison) pour être « juteux » et avide de pornographie et l’on trouve, aujourd’hui, de puissantes sociétés (financièrement parlant) issues du minitel derrière certains sites gay... On s’en doute bien, l’argent - même rose - n’a pas d’odeur, et les gains potentiels feraient faire du X gay aux plus homophobes des pornographes. ;-)