Le 12 juillet 2000 s’est tenue à Bruxelles une réunion confidentielle de l’EICTA, une fédération européenne qui rassemble la plupart des industriels de la communication. On y débattait de la stratégie à adopter face aux projets de directives européennes sur le recyclage des produits informatiques. Au cours de la réunion, Sony a présenté un document de 9 pages, un « plan d’action » contre les associations écologistes les plus actives : la Silicon valley toxics coalition (SVTC), Greenpeace, Friends of the Earth, le European environment bureau, entre autres. Malheureusement pour Sony, le document a fini par filtrer, le 15 septembre dernier, dans une lettre d’information spécialisée, Inside EPA. Sur un ton dramatique rappelant le style des rapports des barbouzes du FBI, Sony recommande que les industriels s’associent pour créer « un réseau de renseignements minutieux » pour traquer les activités des ONG. Le géant japonais conseille de faire appel aux services d’une agence d’espionnage en ligne, Infonic. Cette société britannique est spécialisée dans la surveillance des mailing lists, chats rooms, news groups et bulletins d’informations en ligne pour le compte de grands groupes internationaux. Le document confidentiel suggère de recourir à des « interventions préalables au financement » (pre-funding interventions). D’après plusieurs sources familières des politiques de lobbying, ce genre d’opérations consiste à faire pression sur les organisations caritatives et les sociétés qui financent telle ou telle ONG. L’objectif est de paralyser l’association juste avant qu’elle n’entame une campagne de communication. Tout ça amuse beaucoup Ted Smith, le patron de la SVTC (l’une des associations dénoncées par Sony) : « Enfin des gens qui prennent notre travail au sérieux ! », sourit-il.