Pour 3 000 dollars, Thierry s’est offert Aibo, le chien robot de Sony. Depuis, ce Français de 35 ans vit heureux dans son chalet suisse, un sac à puces à ses pieds, une notice dans les mains.
Montreux, petite bourgade bourgeoise de Suisse romande sur les bords du lac de Lausanne. Son casino, sa vieille ville et son cachet helvétique. Quelques lacets plus haut, un chalet suisse sur trois étages. Les pieds dans la neige. À l’entrée, une collection de juke-box Wurlitzer, une statue de Bouddha en bronze et des dizaines de répliques de trains d’époque accueillent les visiteurs. C’est dans cet univers ultra kitch que Thierry Amsalem s’est installé. Heureux comme un môme au milieu de sa collection de robots américains ou japonais des sixties. Thierry, 35 ans, cheveux châtains et regard noir perçant, est directeur associé de Montreux Sounds, une société qui gère les archives audiovisuelles du Festival de Jazz de Montreux.
Son plus beau joujou, c’est la version américaine d’Aibo, le chien robot de Sony. Le cabot de Thierry a une histoire peu banale. En mai 1999, de passage à New York, le jeune Français résidant en Suisse depuis une quinzaine d’années, se balade sur la cinquième avenue. Sous ses yeux défile la devanture de la gigantesque boutique de Sony. Un must. En vitrine, Aibo salue les passants en levant sa patte. « Au départ, je suis entré pour acheter une cassette pour une caméra numérique. » Par curiosité, il se renseigne auprès du vendeur. Impossible d’acheter la bestiole sur place. Les ventes se font exclusivement sur Internet. L’offre de réservation démarre dans dix minutes... Juste le temps de foncer à son hôtel, où il passe une commande depuis son ordinateur portable. Prix : près de 3 000 dollars. Quatre mois plus tard, Sony lui livre à domicile son nouveau compagnon.
Depuis, Aibo cohabite avec ses deux toutous à poil long, des bouviers bernois, et repose au pied de son bureau, installé sur son socle de recharge. « Livré d’usine, on peut considérer qu’il est âgé de six mois. Maintenant, il faut l’éduquer », explique son propriétaire. Une cinquantaine de fonctions sont disponibles par le biais d’une télécommande : lever la patte, s’asseoir, se tourner à gauche, etc. Le regard rivé sur la notice d’utilisation, Thierry enchaîne les codes de commande. « Il met toujours un peu de temps à se réveiller », lance-t-il en fixant Aibo.
« Ça détend forcément »
Les plus bidouilleurs peuvent aussi se muer en apprentis sorciers. Un logiciel permet ainsi de programmer d’autres mouvements et de les insérer dans la carte mémoire. Aux ...tats-Unis et au Japon, des clubs de propriétaires d’Aibo se sont montés sur le Web pour échanger de nouvelles fonctions ou organiser des parties de foot avec leurs clébards à puces. « Mais programmer demande trop de temps », regrette l’ancien étudiant en informatique de Jussieu, qui préfère se cantonner à la télécommande. De toute façon, cet amoureux de la robotique ne voit dans sa bestiole qu’un jouet pour grands enfants fortunés. Peu convaincu par les capteurs sensoriels installés sur le dos d’Aibo et réagissant aux caresses. Pas plus que la caméra, implanté sur le museau, permettant au robot de traquer la balle et de jouer avec. Thierry estime qu’il n’y a pas « de véritable interaction avec Aibo ». Avant de confesser : « Pour moi, c’est surtout un outil de relations publiques. Au début d’une réunion d’affaires, ça détend forcément l’atmosphère. »
Pendant plus d’un an, Thierry fut la seule personne en Suisse à posséder le toutou numérique. À la demande de sociétés, il a multiplié les démonstrations publiques des prouesses d’Aibo et s’est transformé en montreur de bête électronique. À Genève, il se retrouve un jour devant un parterre de 800 spécialistes de droit fiscal réunis en colloque. Aibo à ses pieds. Dans les chalets douillets de la très select station de Davos, à l’heure du café, la patte levée d’Aibo fait toujours son petit effet. Même la filiale de Sony en Suisse, un temps en rupture de stock, le sollicite pour organiser une présentation de son produit. Il y a quelques semaines, Thierry a reçu la nouvelle version d’Aibo. Acheté 1 200 dollars aux ...tats-Unis, l’animal est muni d’un logiciel de reconnaissance vocale, la firme nipponne ayant décidé de se passer de télécommande. Pour le moment, Aibo 2 ne cesse de pleurer. « C’est encore un bébé », lâche Thierry...