Marco Raberto, 28 ans, est un physicien chercheur en économie et le webmaster du site econophysics.org. Il explique l’émergence de cette nouvelle discipline faite de particules élémentaires et de bourses virtuelles.
Qu’est-ce que l’éconophysique ?
C’est l’étude de données chiffrées économiques à l’aide d’outils et de techniques empruntés à la physique. Parmi ces outils, on trouve la mécanique, les statistiques, la dynamique non-linéaire et les techniques d’intelligence artificielle. Cette discipline est née au début des années 90, sous l’impulsion de Eugene Stanley, un chercheur de Boston qui a, depuis, écrit la bible Introduction à l’éconophysique, paru en 2000. Une des applications principales est de modéliser le comportement des prix sur un marché, d’un point de vue microscopique. La statistique nous donne des variations macroscopiques que l’éconophysique tente de modéliser en faisant interagir de nombreuses particules. On peut faire un parallèle entre les réactions de température dues à l’agitation de milliers de molécules et les réactions de prix dues à l’agitation de milliers d’acteurs économiques. Enfin, l’éconophysique diffère de l’économie dans l’attention extrême qu’elle porte aux données empiriques. En économie, les modèles théoriques sont rarement mis à l’épreuve des chiffres, de la réalité. En éconophysique, un des enjeux principaux est la mise au point de cadres d’expérience pertinents pour tester les modèles théoriques. On construit ainsi des simulations par ordinateur et on regarde dans quelle mesure elles confirment ou infirment les hypothèses de départ.
Quelle réalité représente la communauté des éconophysiciens ?
Il y a des centaines de chercheurs en Europe, qui travaillent a temps plein ou partiel dans le domaine. Il n’y a pas d’université officiellement consacrée à l’éconophysique, mais la faculté d’Ulm, en Allemagne, a récemment mis en place le premier diplôme dans la discipline. Les pays les plus actifs sont l’Allemagne et la France, où le groupe du professeur Bouchaud et celui de Jacques Sornette sont en pointe. On ne peut pas dire qu’il y ait d’institution dédiée à l’éconophysique, mais nous nous rassemblons régulièrement, comme en février dernier à Prague, sous l’intitulé Groupe de travail avancé de physique appliquée à la modélisation économique. Enfin, il y a deux portails : mon site (http://www.econophysics.org) et celui de l’université de Fribourg, en Suisse : (http://www.unifr.ch/econophysics).
Quelle est votre activité ?
Je suis étudiant en doctorat au département de physique de l’université de Gênes en Italie, spécialisé dans l’ingénierie financière. Je construis des simulations expérimentales pour analyser des hypothèses financières et économiques. L’application la plus courante est la gestion de risques dans le secteur bancaire. Quand on a un portefeuille de valeurs, les prix varient de façon statistique et il est très difficile de prévoir leur évolution. C’est très utile pour des actifs comme les options ou les futures, qui sont des contrats par lesquels une partie accepte de livrer un actif dans le futur à un prix déterminé aujourd’hui. Déterminer le juste prix est une de nos tâches. En ce moment, je construis des places de bourse artificielles où interagissent des acteurs indépendants, grâce à un logiciel développé pour la simulation d’objets virtuels par le Santa Fe Institute, en Californie. Le but est de découvrir le mécanisme de formation des prix et de le relier aux propriétés statistiques des prix. La programmation logicielle est cruciale et le fait d’utiliser des technologies d’avant-garde est très excitant !
Le portail d’éconophysique de Marco Raberto:
http://www.econophysics.org
L’université de Fribourg:
http://www.unifr.ch/econophysics