Ces trois dernières semaines, les cours des valeurs de la nouvelle économie se sont effondrés, ébranlant le mythe de l’eldorado Internet. "Après tout, chuchotait-on déjà, l’économie virtuelle portait bien son nom : c’était un mirage."
Une tribune de Cyrille Minso, directeur associé de Net@lerte.
Erreur.
Après l’euphorie aveugle, le pessimisme
injustifié. Car de grandes sources de richesses
nouvelles vont réellement jaillir du Web. Simplement,
les marchands de rêves de la nouvelle économie,
qui ne sont finalement rien d’autre que les arracheurs
de dents de l’ancienne économie, ont contribué
à discréditer les perspectives de croissance
des TMT (Téléphonie Médias Technologie).
Les sables mouvants de la spéculation
Mais la sévère correction des marchés
technologiques va contraindre la nouvelle économie
à un retour aux valeurs saines et anciennes
du business. Malgré la reprise, plus
personne ne peut désormais croire que les TMT
parviendront à croître sur les sables
mouvants de la spéculation, que la valorisation
dun embryon de start-up pourra encore rivaliser
avec celle dune multinationale au prétexte
que quelques dizaines de milliers de personnes, chaque
mois, passent, en musardant, sur son site. La valorisation
des Galeries Lafayette ne sétablit pas
uniquement sur le nombre de personnes qui viennent
y flâner, mais sur ses ventes effectives. Le
cours de l’action de La Redoute (RedCat) ne dépend
pas uniquement des centaines de milliers de lectrices
qui feuillettent son catalogue, mais du nombre de
celles qui passent commande et décident dhabiller
de pied en cap toute la famille.
Bref, puisquelle ne pourra plus abuser des investisseurs
échaudés, la nouvelle économie
va devoir apprendre à transformer les internautes
en clients. Cette mue nécessaire provoquera,
bien sûr, la disparition des illusionnistes
et des rois du business plan ludique ; mais elle assurera
aux authentiques "entrepreunautes" une croissance
exceptionnelle et saine.
Qui survivra à cette flambée des
cotations ?
Ceux qui auront construit sur du béton. En
d’autres termes, la nouvelle économie, la vraie,
s’appuie forcément sur les principales valeurs
qui fondent l’ancienne économie. Ne nous trompons
donc pas sur les qualités de ces jeunes entrepreneurs
issus de Business School. Leur style ne relève
pas d’une inspiration subite et miraculeuse. Ils se
servent des expériences modélisées
de grands groupes comme L’Oréal, IBM, General
Motors, etc. Ils sont instinctivement praticiens de
l’Intelligence économique et compétitive,
du Knowledge Management (partage et transmission des
compétences et des savoirs), du Management
des ressources technologiques.
Le plus difficile pour beaucoup de ces entrepreneurs
sera de vite sortir de l’utopie où ils ont
été conduit par la tempête spéculative
et médiatique. Apprendre à jouer de
leur petite taille, de leur jeunesse pour gagner des
parts d’un marché en cours de transformation
qui réserve encore bien des surprises aux "entrepreunautes"
comme aux capitaux-risqueurs.
Les empires vont contre-attaquer
À l’exception des sites personnels qui ne sont
en fait que des sites passionnels, à l’exception
des sites-plaquette de société qui remplissent
une fonction de relations publiques, les petites pousses
qui visent la pérennité doivent se construire
selon trois axes majeurs : une idée innovante
(produit ou service), un management d’excellence,
une profondeur du contenu. Ce qui implique de prendre
la mesure de trois tendances lourdes :
1. Lexplosion programmée des ventes en
ligne. Tôt ou tard, la disparition des résistances
culturelle et technologique du consommateur français,
méfiant et sous-équipé, lui feront
apprécier la qualité et la taille de
l’offre. Ses envois de fleurs, ses achats de CD ou
de tournevis seront donc majoritairement accomplis
en ligne. Qui saura lattirer ?
2. Les empires vont contre-attaquer. Les mastodontes
qui se positionnent actuellement sur le Net (TF1,
France Télécom, Vivendi, etc.) vont
générer un flux croissant, servis par
une force de frappe financière telle, quils
finiront par éclipser nombre de leurs rivaux
"robotiques". Les start-ups dont le business
model est basé sur un service informatique
(comparaison de prix, etc.) vont vivement souffrir
de la concurrence de ces géants capables dinvestissements
considérables afin de satisfaire tous les besoins
"robotiques" des internautes de masse, et
ce, des e-mails aux enchères en ligne.
3. La revanche de Fauchon sur Carrefour. Face à
ces géants, ceux qui se spécialiseront
dans lépicerie fine, cest-à-dire
dans des produits intelligents et difficilement duplicables,
augmenteront considérablement leurs chances
de survie et de croissance. Basés sur des services
riches dans leur contenu et original dans leur approche,
mettant laccent sur les communautés dintérêts
et/ou daffect, ils apporteront aux internautes
le supplément dâme qui manque aux
sites B2C (Business to Consumer). Ils seront fréquentés
autant pour ce quils offriront (infos, divertissement,
communauté, services informatiques) que pour
ce quils permettront dacheter. De le-publicité
à le-commerce, sans oublier un fabuleux
potentiel marketing de collecte dinformations
sur les usagers, leur modèle de développement
sera puissant et, surtout, viable.
La nouvelle économie n’échappera
pas aux lois de la pesanteur
Les autres ? Eh bien, ils disparaîtront. Les
plus malins (ou les plus chanceux, ou les plus malhonnêtes,
rayez les mentions inutiles) auront empoché
un peu de capital au passage. Et quelques autres seront
rachetés par des groupes intégrés,
désireux daccroître leur périmètre
dactivité et de spécialisation
par de la croissance externe. Mais qu’elles que soient
les surprises des prochains mois, la nouvelle économie
néchappera désormais plus aux
lois de la pesanteur : pas de valorisation sans un
modèle de développement ultra-réaliste.