Le secteur pharmaceutique tient, au sujet du bug de l’an 2000, un discours rassurant. Convaincant ? Jusqu’à un certain point...
Quand chaque mois, un malade diabétique va chercher son insuline vitale à la pharmacie, il reçoit sans problème son traitement. Son médicament à la main, il salue le pharmacien : "À dans un mois !" Cette transaction essentielle à sa survie se fait tranquillement. En sera-t-il de même le 1er janvier 2000 ? Et le 15 janvier ? Les fabricants, les grossistes et les pharmaciens d’officine répondent, en chœur, par l’affirmative. Ils sont habitués à travailler ensemble car, en France, les dispositions légales sont assez strictes : 90% de la gamme des médicaments doit être disponible sur l’ensemble du territoire en 24 heures. Cette habitude est un atout pour faire face au troisième millénaire. Autre avantage par rapport à nos voisins européens, chez nous, les entreprises chargées de distribuer les médicaments aux officines ne sont que quatre (150 en Italie et 90 en Espagne).
Dernier atout majeur : la majorité des médicaments ont une date de péremption de 5 ans. Depuis, le 1er janvier 1995, le système de gestion des stocks met sur le marché des produits datés 2000. Le bug est donc une préoccupation ancienne.
Stocks de médicaments à risque
Quand, courant mai 99, les intervenants de la filière Médicament reçoivent de la part des DRASS (Direction régionale des affaires sanitaires et sociales) un questionnaire plutôt mal ficelé à propos du bug, leur stratégie est donc prête. Craignant que l’...tat ne leur impose des obligations dont ils ne maîtriseraient pas le coût, ils se sont mis d’accord, dès janvier 1999. Ils feront des stocks supplémentaires de médicaments à risque : les médicaments à monopole thérapeutique, ceux dont les dates de péremption sont très courtes, les médicaments saisonniers pour les grippes, les gastro-entérites et les méningites hivernales... Ces médicaments produits en supplément seront entreposés soit chez les fabricants, soit dans les 201 centres de stockage des grossistes. Les acteurs du secteur pharmaceutique français, solidaires, ont ainsi réussi à convaincre l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (ex-Agence du médicament) qu’il était préférable de les laisser gérer seuls le problème du bug. Impossible en revanche, pour l’...tat de mesurer si tous les paramètres ont bien été pris en compte.
Machines orphelines
D’ailleurs, comment imaginer que le risque zéro puisse exister lorsque l’on sait qu’il existe 22600 officines en France métropolitaine. Chacune est un cas particulier. Pour ce qui est des ordinateurs des pharmaciens, on est déjà sûr qu’aujourd’hui, un tiers est inadapté. De nombreuses sociétés de maintenance informatique ont disparu. Personne n’est capable de mettre les systèmes à niveau. "Ce sont des machines orphelines. Sans papa, elles sont bonnes pour la poubelle ", explique Claude Japhet, premier vice-président de l’Union nationale des pharmacies de France. Pour les machines qui peuvent passer l’an 2000, le secteur pharmaceutique va essayer d’éditer une charte que devront signer les prestataires informatiques. La signature de ce document devrait protéger les pharmaciens des conséquences juridiques du bug mais elle ne les protégera pas des vraies pannes. La transmission des commandes pourrait s’avérer difficile. À partir du 15 janvier 2000, mieux vaut ne pas sortir sans son cache-nez...