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6/10/2003 • 16h13

La "décroissance" : renaissance d’un concept révolutionnaire

Les "objecteurs de croissance" pourraient apporter la théorie économique qui manque aux altermondialistes
 

Le premier colloque français sur la "décroissance" se tenait les 26 et 27 septembre derniers à Lyon. L’idée de la décroissance date du début des années soixante-dix, une vingtaine d’années avant l’émergence du "développement durable". Il s’agit d’une critique radicale du principe de l’augmentation constante du revenu global, autrement dit la croissance du PIB, sur laquelle est fondé tout l’ordre économique actuel. L’argument central de cette critique : toutes les matières premières et toutes les énergies consommées aujourd’hui sont perdues pour les générations futures. Les pays riches doivent donc consommer beaucoup moins afin de préserver durablement le bien-être sur Terre. A l’heure où l’on parle plus que jamais de réchauffement climatique, de pénurie d’hydrocarbures et de destruction de la biodiversité, la thèse de la décroissance retrouve des adeptes, après plus d’un quart de siècle de léthargie. Bien qu’encore lacunaire et parfois contradictoire, elle incarne pour certains la théorie économique globale qui fait pour l’instant défaut au mouvement altermondialiste.

Réunis par des membres du collectif Casseurs de pub et de la revue écologiste Silence, quelque 200 "objecteurs de croissance" ont tenu colloque à Lyon pendant deux jours. Ils ont parlé de concepts comme l’"innovation frugale", dans le décor rococo d’une salle d’honneur parée de feuilles d’or de l’hôtel de ville de Lyon, symbole de l’opulence de la capitale des Gaules.

Les racines de la "bioéconomie"

Les débats étaient animés par la poignée d’universitaires français et italiens héritiers de l’économiste roumain Nicholas Georgescu-Roegen, mort en 1994 dans une indifférence quasi totale. Georgescu-Roegen est l’inventeur de la "bioéconomie", une théorie qui ajoute à l’analyse économique un paramètre toujours ignoré jusque-là : la finitude des ressources offertes par la nature. Silvana De Gleria, une ancienne élève de Roegen, explique : "Du libéralisme au socialisme soviétique, les penseurs de l’économie classique travaillent à partir de l’image fausse d’un ’circuit économique’ clos. L’activité économique n’est pas un manège, dans lequel tout recommence toujours à l’identique. C’est au contraire un processus destructeur de matière."

L’économiste Serge Latouche, principal thuriféraire de la décroissance en France, affirme que l’approche classique de l’économie ne sait pas intégrer l’évolution temporelle. "Elle exclut de son raisonnement tous ceux qui disent ’J’ai besoin de tel produit’ tout en étant incapables de lui fixer un prix. C’est-à-dire les pauvres et... les générations futures !", s’exclame le professeur d’économie qui enseigne à l’université Paris-Sud.

L’analyse de Roegen a pour point de départ la fameuse loi de "l’entropie", découverte en 1824 par Sadi Carnot. Une grande partie de l’énergie mécanique utilisée par l’industrie se transforme en chaleur. Or cette énergie calorique se dissipe et ne peut jamais redevenir une énergie mécanique. L’entropie décrit un processus irréversible. Toute énergie consommée par les machines (Roegen parle d’"organes exosomatiques") finit par disparaître et ne pourra plus jamais servir à nouveau. Ce qui veut dire que les ressources énergétiques de la Terre sont un capital limité. Plus l’on puise dedans, plus la fin de l’histoire moderne se rapproche. Un instant emporté par l’élan messianique omniprésent au cours du colloque, le politologue suisse Jacques Grinevald lâche : "C’est la chaleur qui a fait fondre les tours du World Trade Center"...

La décroissance a le vent en poupe dans les milieux écologistes et altermondialistes. Un militant d’Attac venu assister au colloque remarque : "La décroissance, c’est l’intuition que les lois de l’économie ne peuvent pas être radicalement différentes des lois de la nature. Après l’effondrement du marxisme, la bioéconomie peut être la théorie économique globale qui manque aujourd’hui aux nouveaux militants de gauche."

Si tous les habitants de la Terre devaient s’aligner sur le niveau actuel de consommation des pays développés, il faudrait entre trois et sept planètes supplémentaires pour couvrir nos besoins en matières premières. Ce constat, qui fait désormais l’objet d’un large consensus, est le meilleur argument des "objecteurs de croissance." Pour eux, la solution est simple : les citoyens des pays développés doivent "déconsommer."

Serge Latouche affirme : "La croissance économique est l’alpha et l’omega de toutes les politiques économiques actuelles. Elle représente un bénéfice illusoire pour des sociétés de plus en plus malades de leurs richesses. Dans les pays développés, la dégradation de l’air, de l’eau et de la nourriture ne cesse d’augmenter : respirer, boire et manger y sont devenus les principales sources de mortalité !"

Mais comment distinguer la décroissance d’une récession, synonyme de chômage et de paupérisation ? "La récession, c’est un simple défaut de croissance, explique Jacques Grinevald, tandis que la décroissance correspond à une modification des conditions et des règles du développement."

Mort au consumérisme

Pour "décroître", poursuit Serge Latouche, il faut commencer par supprimer tous les coûts économiques "absurdes" : "Par exemple, de nombreux déplacements sont inutiles. Il faut aussi s’attaquer à la publicité et au consumérisme effréné qui font qu’un ordinateur ou une voiture se démodent au bout de deux ou trois ans."

Un cas est fréquemment pointé du doigt : les échanges agricoles internationaux. Pour Pierre Rabhi, l’une des figures de l’écologie française depuis quarante ans, "faire parcourir la moitié de la planète à des moutons est aberrant." La "relocalisation de la production" est l’un des thèmes centraux de la bioéconomie. Rabhi insiste : "Il faut que nous nous remettions à produire au plus près des lieux de consommation, à la fois pour économiser l’énergie et pour permettre un développement harmonieux de nos sociétés."

Les "objecteurs de croissance" se posent en concurrents du "développement durable", un concept dont ils ne manquent jamais de relever les paradoxes. Ils reconnaissent par exemple la pertinence de l’éco-conception (c’est-à-dire la réduction au minimum des coûts environnementaux de chaque produit). Mais ils remarquent que depuis 30 ans, l’amélioration constante du rendement énergétique de la voiture, de l’avion ou des appareils électroménagers a eu pour effet de doper le volume global de leur consommation. On assiste à une sorte "d’effet rebond" : une voiture qui consomme 3 litres au cent au lieu de 15 incite à parcourir plus de kilomètres et donc à utiliser plus d’essence au final. Serge Latouche : "Le développement durable est un concept toxique qui conduit à réduire la matière première nécessaire à chaque produit pour mieux augmenter le coût environnemental total de l’économie."

Parmi les mots d’ordre les plus applaudis au cours du colloque, il y a celui de Pierre Latouche : "Il faut décoloniser notre imaginaire envahi par l’idéologie de la croissance et du profit." L’économiste argumente : "C’est parce qu’ils sont incapables de décoloniser leur imaginaire que le Parti socialiste français et tous les mouvements politiques ’sociaux-démocrates’ sont condamnés à faire du libéralisme social." Un triptyque proposé par l’économiste italienne Sylvana de Gleria reçoit également un accueil enthousiaste : "Le modèle de la décroissance nécessite conscience, coopération et modération."

2 heures de travail par jour

La théorie de décroissance est encore pleine de lacunes et parfois de contradictions. Pour l’instant, elle n’est animée que par une poignée de professeurs italiens, suisses, français et espagnols décriés au sein de leurs universités. Certains, comme le penseur iconoclaste Jacques Grinevald (qui enseigne à l’université de Genève) luttent en permanence pour éviter d’être mis au placard. Ces leaders des "objecteurs de croissance" sont des macro-économistes et des théoriciens. Pas d’urbanistes, ni de sociologues spécialistes du travail, ni encore moins de politiciens dans leurs rangs.

L’absence de validation pratique de l’approche de la décroissance conduit souvent les orateurs dans un flou artistique. Serge Latouche, par exemple, affirme qu’une réduction "féroce du temps de travail" est nécessaire : "Pas plus de deux heures par jour", réclame-t-il. Il se prononce en même temps contre l’énergie nucléaire, sans prendre la peine d’expliquer comment préserver le fonctionnement de quelques infrastructures vitales (distribution d’eau, chauffage, alimentation, etc.) en ne travaillant quasiment plus et en supprimant de plus la source d’énergie qui réclame le moins de main-d’oeuvre à quantité égale d’électricité produite.

Le problème délicat de la rémunération du travail dans une société travaillant très peu est à peine évoqué par les "objecteurs de croissance". De manière générale, la question de la redistribution des richesses demeure en suspens. Certains affirment que le marché doit continuer à jouer son rôle de confrontation de l’offre et de la demande, d’autres se prononcent en faveur de la suppression de la monnaie et souhaitent emprunter le vieux chemin du socialisme distributiste.

Les "objecteurs de croissance" soulignent tous l’urgence de la situation face à l’imminence d’une "catastrophe environnementale planétaire". Pourtant, afin de franchir le pas de la décroissance, la plupart compte sur une "révolution dans la conscience des citoyens", qui prendra forcément du temps.

Quelle révolution ?

Les partisans de la décroissance sont des libertaires convaincus, qui rêvent de "micro-sociétés autonomes connectées entre elles". Jacques Grinevald renâcle à se pencher sur la question du passage à une économie de décroissance. Il botte en touche : "Nous ne sommes ni des révolutionnaires, ni des utopistes." Pourtant, pour mettre en place la vision de l’intérêt général imaginée par les théoriciens de la décroissance, "de nouvelles institutions politiques de redistribution sont nécessaires", souligne l’économiste italien Mauro Bonaiuti. Les conditions d’exercice de cette nouvelle forme de coercition du politique sur l’économie ne sont pas débattues, ni la place accordée à la liberté d’entreprendre.

La décroissance est une idéologie en devenir. Pour qu’elle se développe, Serge Latouche compte sur "la pédagogie des catastrophes". Il affirme : "Les catastrophes sont notre seule source d’espoir, car je suis absolument confiant dans la capacité de la société de croissance à créer des catastrophes."

En attendant, et malgré ce qu’en disent les "objecteurs de croissance", la société de décroissance reste encore dans le domaine de l’utopie. Invitée à apporter un éclairage concret sur le type d’organisation auquel la décroissance pourrait donner lieu, Marie-Andrée Bremont, une représentante du vénérable mouvement communautaire anti-technologique de l’Arche prend la parole à la fin des deux jours de colloque. Avec un débit lent, qui contraste par rapport à l’emphase des orateurs qui l’ont précédé à l’estrade, la responsable de l’Arche décrit sa vie quotidienne. Elle dit : "A part cela, que fait-on de notre temps libre au sein de la communauté ?" Silence. Marie-Andrée Bremont ne prend pas la peine de répondre à sa propre question. Un peu plus tard, elle précise tout de même : "Notre principale activité consiste à cultiver la gratuité relationnelle." L’envie se lit sur de nombreux visages dans l’auditoire.

Le site de l’Institut d’études économiques et sociales pour la décroissance soutenable (émanation de "Casseurs de pub"):
http://www.decroissance.org

Le site du collectif Casseurs de pub:
http://www.antipub.net/cdp/

La revue "Silence":
http://www.revuesilence.net/

"Le développement durable? Un concept toxique", interview de Bruno Clémentin, responsable de l’IEESDS (Transfert):
http://www.transfert.net/a8573

"L’impasse énergétique", dossier (Transfert.net):
http://www.transfert.net/d51

 
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