Lancé à New York en 2002, le jeu Node Runner fait s’affronter deux équipes de joueurs, chargés de repérer le maximum de points d’accès WiFi dans la ville, en un temps donné. Elaboré par l’association de promotion de l’internet sans fil NYC Wireless, il a reçu un prix lors du dernier festival d’art numérique Ars Electronica, qui s’est tenu à Linz en Autriche, jusqu’au 12 septembre. Visant à démocratiser l’internet sans fil de façon ludique, Noderunner n’a été joué que trois fois mais devrait s’implanter l’année prochaine à San Diego, Seattle et Dublin. Il est un exemple des pratiques de prospection qui vont apparaître à mesure que se développera le WiFi.
A New York, tout le monde sait que le Wifi est disponible dans les cafés Starbucks et les restaurants McDonald’s. Mais qui sait où se trouvent les autres bornes d’accès à internet sans fil ? Depuis deux ans, des projets comme le "warchalking" apparaissent pour palier à ce manque. Des individus munis d’ordinateurs portables arpentent les rues des villes à la recherche de signaux WiFi et en signalent l’existence en laissant une "marque de guerre" à la craie, au sol.
Le concept a été décliné sous plusieurs angles, en version automobile avec le wardriving, ou même aérienne, avec le warflying, pratiqué en Australie pour repérer les noeuds WiFi depuis un petit avion. Il reste pourtant souvent réservé aux geeks, accros d’informatique.
Chasse au trésor
Sans doute manque-t-il encore une dimension ludique, voire sociale, à la prospection WiFi. Deux artistes new-yorkais, Carlos Gomez de Llarena et Yury Gitman en sont convaincus et ont élaboré le Node Runner. Ce jeu aux règles simples est en quelque sorte une déclinaison de La Carte aux trésors, une émission que connaissent les fidèles téléspectateurs de France 3.
Node Runner se joue par confrontation de deux équipes de quatre joueurs. Chacun des groupes est équipé d’un ordinateur portable doté d’une carte WiFi, d’un appareil photo numérique, et dispose d’une voiture. Seuls leur sont fixés le lieu de départ et le lieu d’arrivée, qui sont "souvent très éloignés l’un de l’autre et sont équipés d’un point d’accès WiFi", précise Carlos Gomez de Llarena.
Les Noderunners disposent ensuite de deux heures pour effectuer la distance tout en repérant un maximum de noeuds WiFi, qu’on appelle aussi "hot spots". Pas de quoi épuiser le vivier de noeuds, toutefois. "Tout dépend de la densité en points d’accès, explique Gomez de Llarena. Par exemple, dans Manhattan, les équipes repèrent environ une vingtaine de noeuds sur les 5 000 que compte l’île."
Les équpes se voient décerner un point par noeud découvert, assorti d’une bonification si elles font parvenir une photo des environs du point d’accès, via WiFi, au site de l’organisation. Ce dernier assure la mise à jour des scores, afin que le match puisse être retransmis en direct en ligne.
Jusqu’à présent, il ne s’est joué que trois parties de Node Runner grandeur nature : à New York durant l’été 2002, à Londres au printemps 2003 puis à nouveau à New York, le 20 septembre dernier, lors des Wireless Park Lab Days, une manifestation organisée par NYC Wireless dans le sud de Manhattan. L’association y présentait cinq projets artistiques autor du WIfi, dont Node Runner et Magic Bike, un noeud mobile installé sur un vélo par Yury Gutman.
Plusieurs villes se disent intéressées pour accueillir des courses de Node Runner, comme San Diego, Seattle, ou Dublin. Celles-ci ne démarreront vraisemblablement pas avant 2004, tempère Gomez de Llarena, qui précise que pour accueillir le jeu, les villes doivent avoir une infrastructure assez dense en réseau sans fil.
Front de libération du WiFi
Encore peu mis en pratique, le concept de Node Runner fait pourtant sensation. Le jeu a reçu un "Nica d’Or" lors de la 16e édition d’Ars Electronica, qui s’est tenue à Linz, en Autriche, il y a deux semaines. Node Runner a reçu son prix dans la catégorie "Net Vision" de ce festival d’art numérique international, passé en quelques années d’un reconnaissance "underground" à une visibilité grand public.
"Nous avons voulu récompenser cette année les projets favorisant la reconstruction du lien social par l’intermédiaire des nouvelles technologies, indique Steve Rogers, chargé de communication du festival. Node Runner s’est distingué des autres projets en lice par son habilité à imbriquer la vie physique et le cyber-espace. Nous pensons que c’est un excellent moyen pour re-démocratiser de l’Internet."
En définitive, plus qu’une alternative aux autres modes de prospection de noeuds, Node Runner surtout d’être un moyen d’éducation du grand public au WiFi libre. Yury Gitman, l’autre cofondateur du projet, est membre du bureau de NYC Wireless, une association à but non-lucratif qui promeut les réseaux sans fil gratuits et libres.
Selon Dana Spiegel, responsable des "applications communautaires" pour l’organisation, NYC Wireless a déjà soutenu l’installation d’une douzaine de "noeuds libres officiels" dans la ville, ainsi que d’une centaine de "noeuds officieux", mis en place par des membres de l’association eux-mêmes. Par ailleurs, l’association met à disposition du public des ressources pour installer, sécuriser, déployer, répérer des noeuds WiFi.
"Node Runner est un projet artistique qui explore les bénéfices du WiFi gratuit et libre", déclare Dana Spiegel. Pour NYC Wireless, le développement de noeuds ouverts et le partage des connexions internet est une façon d’éviter que des sociétés privées n’occupent l’espace urbain avec des points d’accès payants.