C’est dans un rapport de 72 pages publié fin juillet que la branche anglaise de Greenpeace dénonce les dangers des nanotechnologies. Intitulé
"Technologie du futur, choix d’aujourd’hui", le dossier produit par l’ONG
de défense de l’environnement dresse un état de l’art de ce secteur émergent. Ses auteurs évoquent les risques potentiels liés aux recherches en
intelligence artificielle et en robotique menées dans ce domaine. Inquiets quant aux conséquences de certains produits issus des nanotechnologies
sur l’environnement, ils réclament un moratoire sur les recherches sur les nanorobots. Très critique, cette nouvelle prise de position ravive
le débat scientifique et éthique autour des recherches appliquées dans le domaine de l’infiniment petit.
Dans le secteur des nanotechnologies, les chercheurs travaillent à l’échelle de l’atome. De nombreuses applications sont d’ores et déjà envisagées :
dans le domaine de l’informatique pour accélérer le fonctionnement des puces électroniques, dans celui de la médecine pour insérer des appareils
de surveillance et de délivrance de médicaments dans le corps humain, dans celui de l’environnement pour lutter contre la pollution, dans les
télécommunications...
Pour rédiger ce rapport, Doug Parr, responsable scientifique de Greenpeace, s’est basé sur les données collectées auprès du Collège impérial de
Londres et du centre de recherche de Greenpeace Angleterre.
Les nanotubes de carbone en ligne de mire
La branche britannique de Greenpeace est la seule qui possède un tel centre de recherche. Fondé en 1982, le Greenpeace Environnemental Trust
s’est entouré d’experts en biologie, chimie, toxicologie, géologie et écologie, soucieux de servir la recherche sur les dangers environnementaux.
Loin de n’être qu’une sous-structure scientifique de Greenpeace, ce laboratoire possède des fonds supérieurs à 1 million d’euros par an et est
doté d’une base de données extrêmement riche.
Principal point développé et dénoncé dans ce rapport : le risque de pollution que présentent les nanoparticules, accusées de pouvoir créer de
nouveaux déchets non biodégradables.
Les nanoparticules sont produites lors de la fabrication de nanotubes de carbone. Composés de feuilles de carbone disposées en cylindre, ces
nanotubes sont principalement utilisés en informatique. Ils renferment des particules de nickel, de cobalt ou de fer, et servent de support magnétique
aux disques durs des ordinateurs. En médecine, des scientifiques envisagent d’installer des nanoélectrodes dans des organismes humains sans
provoquer de réaction immunitaire.
"Les conséquences sur la santé et l’environnement, provoquées par le rejet de ces particules sont encore mal connues. Nous recommandons
d’ailleurs un moratoire
sur leur utilisation ", explique Doug Parr.
L’infiniment petit, à prendre avec des pincettes
Un moratoire qui ne fait pas l’unanimité. Le débat sur les nanotechnologies est déjà vif outre-Atlantique, outre-Manche et au Japon, où
d’importantes aides financières sont allouées à ce secteur.
Aux Etats-Unis, la crainte que l’opinion publique perçoive mal ces innovations est prise très au sérieux. En France, la polémique est encore
inexistante. "C’est un sujet que nous n’approchons actuellement que sur la pointe des pieds. Le débat est loin d’être aussi présent ici ",
affirme la responsable de la communication de la section française de Greenpeace.
En Angleterre, le débat ne fait qu’émerger. Mais, dès l’apparition du rapport de Greenpeace, plusieurs spécialistes des nanotechnologies ont remis
en cause ses conclusions. Le reproche évoqué le plus fréquemment concerne le manque de données scientifiques.
Pour Doug Parr, cette critique n’est pas fondée : "Notre rapport ne contient pas de données scientifiques récentes ? Non, bien sûr ! cela n’est
n’était ni notre intention, ni notre rôle. Et je n’ai entendu aucune critique de le part des personnes qui ont compris cela !
Pour le militant de Greenpeace, ce rapport ne poursuivait qu’un but : informer le public sur un domaine scientifique émergent encore mal connu.
"Nous avons commandé ce rapport à la suite de nombreux débats sur les nouvelles technologies que nous avons organisés avec le magazine New
Scientist. Les membres de Greenpeace souhaitaient s’informer sur les nanotechnologies. Finalement, nous avons décidé de le rendre public car,
à notre connaissance, il n’existait aucun autre document décrivant la situation dans ce secteur."
La guerre n’est pas déclarée
Et Doug Parr insiste : son rapport n’avait pas pour but de lancer une nouvelle polémique. "J’espère qu’il est clair que nous n’entrons pas en
guerre contre les nanotechnologies. Ces techniques comportent beaucoup d’applications qui ne concernent en rien l’environnement et donc ne nous
concernent pas. Nous espérons qu’elles apporteront de grandes avancées en matière d’économie ou de production d’énergie. Nous ne dénonçons que le
risque des nanoparticules", souligne-t-il.
Concernant le moratoire, il se défend de vouloir jouer un quelconque rôle de lobbyiste auprès de son gouvernement. "Nous n’avons pas non plus
l’intention de forcer les gouvernements à suivre notre avis sur un moratoire. Nous voulions stimuler le débat pour diriger les secteurs recherche
et développement dans le meilleur senspossible... et nous continuerons à le faire."