Selon la direction, les boursiers mangeront plus facilement à l’oeil en se faisant scanner l’iris. Mon oeil !
Un collège britannique vient d’installer un système biométrique de reconnaissance de l’iris pour l’accès des élèves à la cantine. Derrière ce coup de pub, les défenseurs de la protection de la vie privée dénoncent la volonté de préparer les futurs citoyens à des méthodes de fichage de plus en plus intrusives.
Le collège Venerable Bede de Sunderland, non loin de Newcastle (Nord de l’Angleterre), a présenté mercredi 9 juillet le système de reconnaissance biométrique, basé sur l’identification de l’iris de l’oeil, qui permettra aux élèves d’accéder à la cantine et d’emprunter des livres à la bibliothèque à compter de la prochaine rentrée. Cette initiative est une première en Grande-Bretagne.
Avant de prendre leur repas au réfectoire, les demi-pensionnaires de cet établissement dépendant de l’Eglise d’Angleterre devront désormais s’identifier en fixant l’objectif d’une caméra vidéo. Celle-ci analysera alors l’image du contour de l’iris et la comparera avec les gabarits scannés stockés dans la base de données de l’établissement.
La composition des repas de chaque élève sera également conservée dans le serveur de l’école et le choix de menus équilibrés sera récompensé par des points donnant droit à des réductions pour les loisirs.
Pour ne plus perdre sa carte de cantine
Ouverte en septembre 2002, la Venerable Bede Secondary School accueille 181 collégiens, dont un tiers prend quotidiennement ses repas à la cantine.
L’infrastructure technique a été mise en place par la société écossaise CRB Solutions. 400 écoles britanniques recourent déjà à son programme d’admission automatisée Impact. Selon ses concepteurs, ce système, qui repose sur l’utilisation d’une carte magnétique que les parents peuvent recharger à un guichet ou par internet, dispense les élèves d’avoir de l’argent sur eux, réduit les files d’attente et ne stigmatise pas les bénéficiaires d’exemption de frais de cantine.
Dans le cas de Venerable Bede, CRB Solutions a ajouté à Impact le procédé de reconnaissance biométrique mis au point par la société américaine spécialiste de l’authentification par l’iris Iridian Technologies.
"Nous avons choisi la reconnaissance de l’iris plutôt que celle des empreintes digitales car la morphologie des doigts évolue considérablement chez les adolescents alors que le contour de l’iris demeure identique dès le plus jeune âge", explique David Swanston, directeur de CRB Solutions.
Pour la direction du Venerable Bede, qui a investi 86 000 euros dans le projet, le recours à la biométrie permettra d’accélérer le service et d’éviter la perte des cartes de cantine.
Ce type de justification ne convainc absolument pas les associations de défense de la vie privée, qui luttent contre le développement des techniques de reconnaisance biométrique, jugées dangeureuses pour les libertés individuelles.
"C’est vraiment écraser une fourmi avec un marteau-pilon, estime ainsi Simon Davies, président de l’ONG anglaise Privacy International. Franchement, dans le cas d’un collège, l’utilisation d’une carte magnétique suffit. Ce genre d’initiative est un exercice de relations publiques : l’école veut se donner un air ’cool’ avec une technologie ’sexy’. Personnellement, je trouve cela inapproprié, dégradant pour l’enfant et dangereux pour l’avenir."
La main dans le plat
L’inventeur des Big Brother Awards, une cérémonie qui épingle chaque année les personnalités et entreprises qui attentent aux libertés, déplore en effet que l’on "habitue ainsi les futurs citoyens à l’utilisation dans leur vie quotidienne de technologies intrusives".
Privacy International milite actuellement contre le projet du gouvernement Blair d’instaurer une carte nationale d’identité contenant des données biométriques comme les empreintes digitales ou le contour de l’iris.
En France, l’identification biométrique est déjà utilisée par le collège Joliot-Curie de Carqueiranne (Var) pour contrôler l’accès à sa cantine. Le procédé retenu, une reconnaissance du contour de la main, a reçu en octobre 2002 un avis favorable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).
En 2000, la Commission avait jugé défavorablement l’initiative d’un établissement niçois qui souhaitait mettre en place un système basé sur les empreintes digitales. Si la Cnil a validé la technique du contour de la main choisie par Carqueiranne, c’est parce que, estime-t-elle, "elle ne laisse pas de trace dans la vie courante et ne peut donc être détournée de sa finalité première".
Le site du Venerable Bede de Sunderland (en construction):
http://www.venerablebede.com
Le site de Privacy International:
http://www.privacyinternational.org
Le site de CRB Solutions:
http://www.crbsolutions.co.uk
Le site d’Iridian Technologies:
http://www.iridiantech.com/index.php
"Le monde actuel est digne de l’imagination d’Orwell", interview de Simon Davies (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a9029