L’autorité, "sidérée", les a désactivés... cet après-midi
Depuis 14 heures, ce mardi 20 mai, la Commission nationale informatique et libertés
(Cnil) n’envoie plus de cookies aux internautes visitant son
site. Transfert venait ce matin de lui apprendre
l’existence de ces cookies, contraire à la politique de l’autorité en charge de
la protection des données personnelles.
Le site de la CNIL indique, sur sa page Confidentialité / Protection des
données personnelles,
qu’"aucune information personnelle n’est collectée à votre insu (...) [ni]
cédée à des tiers (...) [ni] utilisée à des fins non prévues".
Interactivité et traçabilité
La page d’accueil, ou encore celle consacrée à
l’Opération "boîte à
spam", entre autres, envoyaient néanmoins une série de trois cookies en
provenance du site Audientia, un "éditeur de solutions
d’analyse du trafic et de la fréquentation des sites web".
Les cookies sont des petits fichiers envoyés par certains sites web et stockés
sur l’ordinateur de l’internaute, permettant d’améliorer l’interactivité, voire la
traçabilité. En l’occurence, il s’agissait de mesurer le trafic du site de la
Cnil.
Pour cela, le cookie attribuait un identifiant unique au PC, reposant sur son
nom d’hôte
(ou "hostname", résolution DNS de l’adresse IP de l’ordinateur).
Le petit fichier était programmé pour "vivre" jusqu’au 10 juillet 2028, comme c’est souvent le cas dès lors qu’il
s’agit d’identifier un ordinateur pour tracer ses allées et
venues. Les deux autres cookies permettaient de savoir à quelles dates ledit PC
avait visité le site en question.
Ces cookies faisaient aussi appel à un fichier
javascript servant à
associer au cookie de nombreuses informations : identifiant du site visité, "référent" (ou "referrer", le dernier site visité avant d’arriver sur celui de la Cnil), nom et version du navigateur et du système d’exploitation, plug-ins installés, taille de l’écran et d’autres données qui, si elles ne
permettent pas d’identifier nominativement les internautes, servent à des fins statistiques.
Suivre les navigations des internautes
Contacté par Transfert, Cyriaque Lenfant, responsable de l’outil Audientia, racheté par le prestataire de télécommunications d’entreprise Colt en juin 2002, assure faire grand cas de la vie privée : "Je mets quiconque au défi de rattacher les informations stockées dans nos bases à un utilisateur particulier. Aucune information n’est rattachée à l’adresse IP, qui sert à générer un identifiant
unique à un instant T, mais n’est pas stockée sur nos serveurs." Il précise : "Les tables sont remises à zéro quotidiennement dans les bases, on
ne pourrait pas se permettre de les stocker ad vitam aeternam".
"Le cookie nous permet de suivre les navigations des internautes. On va se
servir du poste du client comme d’une extension de la base de données", explique
Lenfant. Le but est de pouvoir reconnaître le PC lorsqu’il repassera sur le site,
de savoir quelles pages il a visitées, pendant combien de temps, à quels
intervalles.
Mise en place depuis quelques mois dans le cadre d’un contrat passé entre la
Cnil et Colt, la technologie du
"marqueur" avait même valu une "formation sur site" à la Cnil.
Les cookies, ce n’est pas un jeu
Du côté de la Cnil, la surprise semble totale. Contacté par Transfert, Thierry Jarlet, directeur de l’administration
et de la communication de la Cnil, se dit "sidéré" : "C’est contraire au principe
du développement du site : a priori, la Cnil n’envoie pas de cookie, sauf sur notre
jeu." Intitulé "Découvrez comment vous êtes pisté sur internet / Anonyme sur internet ? Pas si sûr...", c’est la seule partie du site à envoyer officiellement, pour l’exemple, un cookie dans le PC des internautes. Cela dit, il envoyait lui aussi le cookie d’Audientia.
"Quand on envoie un cookie, la première chose à faire est d’en informer
l’internaute", se défend encore Jarlet. Le surfeur peut alors éventuellement le détruire ou le refuser. Le responsable de l’autorité veut mettre les choses au clair : "Le site de la Cnil est public et anonyme, et il n’est pas question de mémoriser qui revient sur le site. Ce n’est pas un objectif et c’est contraire à ce que nous préconisons."
Le site de la Cnil, qui utilise un serveur
Apache/Linux, pourrait de fait se passer des cookies en utilisant
l’outil d’analyse de fichiers logs
Webalizer, par exemple.
A ce sujet, Cyriaque Lenfant précise que les cookies ont, entre autres, l’avantage d’être "plus précis et plus proches de la réalité". Contrairement aux fichiers logs, les cookies comptabilisent les pages visitées, même quand elles sont stockées en mémoire cache sur l’ordinateur de l’internaute ou sur les serveurs de son fournisseur d’accès.
Dans tous les cas, la Cnil a décidé de désactiver ses cookies, aujourd’hui à 14 h. Thierry Jarlet dit attendre de plus amples informations et a prévu de tenir prochainement une réunion à ce sujet : "On voulait juste connaître la fréquentation du site, et j’aimerais qu’on m’explique pourquoi c’est indispensable."
Pour preuve supplémentaire de sa bonne foi, le responsable précise qu’il a récemment découvert qu’un autre contrat passé avec un prestataire de télécommunications prévoyait, dans la version "standard" du service, de fournir les statistiques détaillées des communications effectuées par chaque poste téléphonique de l’autorité. Le contrat a été modifié.