En cette période électorale où la réforme de l’...tat et des institutions est souvent évoquée, comment appréhende-t-on l’une des transformations majeures touchant l’administration : le e-gouvernement ? Comment l’emploi des technologies de l’information
et de la communication va-t-elle modifier les relations entre l’administration et ses administrés ?
Arnaud Lefèvre est consultant chez Nuxeo
Le e-gouvernement, ou administration électronique, se définit comme l’emploi des technologies de l’information et de la communication par l’administration pour gérer ses relations avec ses administrés ou avec d’autres administrations. Lorsque l’on évoque la question de l’administration électronique, des exemples nous viennent immédiatement à l’esprit : remplir une déclaration d’impôts en ligne, accéder à un texte de loi en quelques clics ou éviter les heures d’attente devant les guichets. Mais la notion de e-gouvernement va plus loin : il s’agit d’une évolution naturelle de l’...tat qui saisit la formidable opportunité offerte par l’emploi de nouveaux outils comme le Web pour améliorer son image, réduire ses coûts et remettre le citoyen au cœur des affaires publiques.
La fin des monopoles
Le e-gouvernement nous permet d’envisager de nouvelles perspectives et d’imaginer des administrations ou des services déconcentrés de l’...tat capables de collaborer sans contrainte géographique ou chronologique, des entreprises pouvant effectuer des démarches administratives à toute heure et, peut-être, la possibilité pour chacun d’entre nous de voter en ligne (évoquée pour 2006 en Allemagne). Aujourd’hui, cependant, le e-gouvernement doit répondre prioritairement à l’un des soucis majeurs de l’administration : diffuser de manière efficace, en interne ou externe, ses nombreuses informations. Ainsi, la plupart des applications de e-gouvernement reposent sur des problématiques de partage d’informations, de services en ligne ou de travail collaboratif.
Il n’est donc pas étonnant de constater que la construction de l’administration électronique au quotidien se traduit par le développement d’applications d’infrastructures éditoriales Web avancées de type Internet, intranet ou extranet. Ces différentes réalisations participent à l’amélioration du quotidien des administrations et des citoyens en leur offrant de véritables points de connexion et d’interaction.
Les projets de e-gouvernement menés au sein des différents ...tats de l’Union européenne sont encadrés par le plan « e-Europe » : un plan original et ambitieux qui entend généraliser l’utilisation des logiciels libres (dont le code source est librement accessible, modifiable et redistribuable) pour favoriser la multiplication des projets électroniques au sein des administrations européennes. Le ton est d’ailleurs donné au sein même de l’administration centrale européenne puisque le
réseau EIONET (Réseau européen d’information et d’observation de l’environnement) repose sur l’emploi de logiciels libres. Les recommandations autour de l’utilisation de tels outils sont motivées par différents arguments.
Tout d’abord, Il est essentiel, pour des raisons de sécurité et d’indépendance, que les ...tats aient accès aux codes sources des applications qui gèrent parfois des données confidentielles. Il serait difficile d’imaginer qu’un ...tat ne possède pas le contrôle complet de ses installations stratégiques les plus sensibles (militaires, économiques...). De plus, le choix de solutions libres est un gage de pérennité et d’évolutivité, les ...tats n’étant pas dépendants de la santé économique de l’éditeur d’une application. En utilisant les logiciels libres pour le développement de leurs applications, les ...tats recentrent leurs budgets sur le développement des applications et mutualisent les coûts autour de solutions modulaires et réutilisables.
Enfin, il est important, dans un monde de libre-échange et de libre concurrence, que les ...tats donnent la mesure en montrant qu’il existe des alternatives au quasi-monopole détenu par certains éditeurs de logiciels.
On constate aujourd’hui que les consignes européennes commencent à rencontrer la ferveur des ...tats. En France, par exemple, la plate-forme de gestion de contenu open source Zope soulève un enthousiasme certain pour ce qui est des projets concernant l’administration électronique. Ainsi, le Service d’information du gouvernement a récemment développé un extranet métier à l’attention des communicants de l’...tat en utilisant cette plate-forme.
Linux en Belgique
De plus, Michel Sapin s’est prononcé en faveur de l’utilisation de ce logiciel en novembre dernier : « Zope, qui est utilisé, notamment, par la préfecture du Bas-Rhin à Strasbourg et par le Service d’information du gouvernement, permet de réaliser des systèmes entièrement paramétrables et, à ce titre, faciles à réutiliser sans développements techniques complexes par toutes les administrations qui souhaiteront se doter d’un outil de gestion d’informations en ligne, ou par tout organisme qui le souhaitera. » En Belgique, l’armée a adopté des serveurs et des routeurs Linux et le ministère allemand de l’Economie et de la Technologie a publié en mars 2001 une brochure à l’attention des PME (Les logiciels open source, un guide pour les petites et moyennes entreprises). Si le logiciel libre n’est pas encore le standard de facto de l’administration électronique à l’européenne, son adoption massive par les différents gouvernements montre qu’il est sur le point de le devenir.