Aujourd’hui, après que des comptes de résultats lourdement plombés aient conduit à la faillite des dizaines de start-ups, l’hystérie collective qui a porté ce boum de l’Internet en France n’a plus lieu d’être. Il faut bien se rendre à l’évidence : l’économie de l’Internet n’est pas une « nouvelle économie ». Les acteurs de l’Internet doivent, comme toute entreprise, gagner de l’argent. Et cela dans des délais supportables par leurs actionnaires, qui ne souhaitent plus continuer à financer des « tonneaux des Danaïdes ». Comme il semble maintenant clair à tout le monde que la publicité ne suffira pas à elle seule à financer des services Internet gratuits, des solutions s’imposent : il faut à la fois diversifier l’accès aux services, et rendre certains d’entre eux payants.
Passer du « tout Internet » à la « télématique multi-accès ».
Certains l’ont déjà compris : Yahoo !, leader mondial des portails Internet, a étoffé son offre de services et propose depuis quelques mois à ses utilisateurs français un service Minitel permettant de lire et envoyer des e-mails. Immostreet, un des principaux sites européens de petites annonces immobilières, a lui aussi ouvert un service Minitel en 3615, ce qui lui permet à la fois d’élargir son audience et de générer des revenus complémentaires. Les faits sont là, et ils sont têtus : la population française, une des plus familière avec les services en ligne grâce au Minitel, compte aujourd’hui 15 millions d’utilisateurs du Minitel, 30 millions d’utilisateurs de mobiles, et 50 millions d’utilisateurs du téléphone fixe. Contre seulement 11 à 15 millions d’Internautes, suivant des estimations peu convergentes. Après le Minitel et l’Audiotel, la télématique est désormais en train d’absorber l’Internet, les mobiles et la TV interactive, grâce auxquels elle va explorer de nouveaux territoires, et offrir de nouveaux services.
Le « système kiosque » est une solution simple pour vendre des services en ligne.
Ce système est le fondement de la télématique, et son principe est simple : l’utilisateur accède au service dont il a besoin via un numéro de téléphone spécial, la connexion qui lui est facturée par son opérateur téléphonique rémunère à la fois cet opérateur, pour le transport de l’information, mais aussi le fournisseur du service utilisé, pour la valeur de ce service. Les avantages en terme de simplicité et de sécurité sont évidents pour l’utilisateur, mais aussi pour le fournisseur de services. C’est grâce à ce système que s’est bâtie en France une économie de plus de 10 milliards de francs, en ne comptabilisant là que l’accès aux services Minitel et Audiotel, sans intégrer la vente en ligne réalisée via ces outils. C’est ce système qui est utilisé dans le monde entier, et avec un succès universel, pour la diffusion de services téléphoniques payants. Aujourd’hui existent des solutions pour reproduire ce modèle économique sur Internet, et faire payer à l’utilisateur l’accès à un site web en fonction de la consultation, soit au prorata de la durée de connexion soit à l’acte. La paiement à la durée est adapté à certains types de services (jeux en ligne, discussions interactives alors que la facturation à l’acte est plus logique pour des services comme la vente d’information (consultation d’un journal, d’une base de données ...). De grands médias ont expérimenté ces solutions et réussi à rentabiliser des services Web à forte audience. Les opérateurs de mobiles ont lancé, avec succès, des bouquets de services interactifs accessibles via des kiosques vocaux, et ils préparent aujourd’hui des systèmes fondés sur des SMS payants (messages textes du téléphone mobile). Il est facile de parier sur le succès de ces systèmes, qui se développeront d’autant plus vite que les investisseurs resteront durablement réticents à investir dans des sociétés Internet au business-model structurellement déficitaire !
La France a une opportunité unique : redevenir le leader européen du online.
Elle dispose d’une antériorité mondiale dans les services en ligne, grâce au Minitel qui nous a permis d’observer, au sein d’un laboratoire de plusieurs millions de personnes, de quelle manière une population intégrait les services en ligne dans sa vie quotidienne, pour s’informer, se divertir, acheter... Un savoir-faire irremplaçable a été accumulé dans notre pays par des opérateurs télécom, des fournisseurs de technologie, des prestataires de service, des développeurs de logiciels, des fournisseurs d’informations. Les nouveaux outils apparus récemment avec Internet et les mobiles constituent pour les professionnels de la télématique, en qui certains voyaient à tort des « dinosaures du online », une opportunité unique : faire à nouveau de la France ce qu’elle était il y a 15 ans : le pays d’Europe le plus avancé dans le domaine des services en ligne. Relevons ce défi !
Pierre Col est directeur Marketing et Communication du groupe Jet Multimédia.