L’association des Webproducteurs propose de mettre en place un système de redistribution d’une part des revenus des fournisseurs d’accès à Internet pour soutenir la production de contenus sur le Net.
Créée en novembre 2000, l’association des webproducteurs regroupe aujourd’hui une cinquantaine de sociétés de création et de production de contenus multimédia, dans tous les domaines : animation, jeu, fiction, édition, documentaire, musique, etc. L’année dernière, elle a organisé, en France et à l’étranger, des soirées de présentation des productions de ses membres pour leur permettre de vendre leurs programmes. Elle sert également d’ombrelle pour une présence groupée sur plusieurs salons professionnels (Milia, Mipcom...).
A côté de ces activités promotionnelles, l’association a aussi pour mission d’assurer une représentation syndicale des professionnels du secteur. Elle a déjà obtenu le soutien financier du centre national de la cinématographie (CNC) et du ministère des Affaires étrangères pour organiser ses réunions de promotion. Aujourd’hui, dans une conjoncture difficile, elle propose de prélever une partie des revenus des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) pour mettre en place un fonds d’aide à la production. Le point avec Charles-Antoine de Rouvre, 33 ans, délégué général des Webproducteurs.
Où en est le marché de la production de contenu en ligne en France ?
Les producteurs sont désormais perçus comme des professionnels disposant d’un savoir-faire et apportant une valeur ajoutée utilisable pour générer de l’audience ou de l’image, et non comme des gamins bidouillant dans leur chambre. D’ailleurs d’autres supports sont venus les chercher : certains font ainsi de l’habillage pour des chaînes de télévision, d’autres leurs vendent leurs webcartoons, d’autres encore produisent des jeux pour les PDA ou la télévision interactive.
Deuxième victoire, nous sommes parvenus à montrer la valeur du contenu, ce qui veut dire la faire payer. Une logique économique où les producteurs cédaient gratuitement leurs contenus en échange de visibilité n’était pas tenable. C’est comme si une chaîne de télé demandait à un producteur audiovisuel de lui donner Fabio Montale parce que c’est bon pour son image ! Cette évolution positive a amené les éditeurs et les diffuseurs à prendre conscience qu’il leur fallait un budget d’achat ou de coproduction pour ces contenus.
Le problème, c’est qu’avec la crise, les éditeurs et diffuseurs ont considérablement réduit, voire supprimé ces budgets. Par exemple, Wanadoo a décidé de n’avoir aucun budget d’achat ou de coproduction sur 2002. Quelques sociétés de production de contenu ont donc fermé leurs portes. Et surtout, celles qui existent encore font travailler beaucoup moins d’intermittents pour s’adapter au volume de commandes.
Pourquoi proposez-vous de faire payer les FAI pour financer le secteur
Parce que, paradoxalement, le marché est en pleine forme. L’ambiance a beau être morose, tous les fournisseurs d’accès annoncent, les uns après les autres, qu’ils atteignent la rentabilité ! Si on instaure un principe de redistribution aux éditeurs de sites d’une petite partie de leurs revenus, on transforme un cercle vicieux en cercle vertueux. En effet, cela permet aux éditeurs d’investir dans de la production. Mais les FAI s’en sortiront eux aussi gagnants car ils augmentent ainsi la tentation des internautes de prendre une connexion à haut débit, sur laquelle les FAI réalisent une forte marge.
Si, au contraire, les internautes constatent un appauvrissement du contenu sur Internet, le nombre d’abonnement risque de stagner. Pourquoi, en effet, avoir du haut débit et payer 300 balles si c’est uniquement pour envoyer des mails ?
On a d’ailleurs eu un très bon exemple de modèle économique réussi : le minitel. France Telecom prélevait en amont sur les communications, en reversait une partie aux éditeurs, qui fournissaient du service gratuit. Pourquoi ne pas s’inspirer de ce modèle ?
Sous quelle forme envisagez-vous ce prélèvement ?
Nous ne proposons pas un modèle figé, nous avons simplement développé un principe. C’est un concept intéressant parce qu’il peut être étendu aux droits d’auteurs, à la musique en ligne, etc. La société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) soutient d’ailleurs notre démarche, et le GESTE (le groupement des éditeurs de services en ligne) nous a lui aussi contacté.
Aujourd’hui, l’Internet s’est scindé, grosso modo, en trois parties. D’une part les pages perso, tout et n’importe quoi, intéressant ou pas, qui n’a pas besoin de se construire une économie. D’autre part le web marchand, pou faire ses courses ou regarder un film en payant la séance, qui a, par nature, son économie. Et enfin le web média, celui des contenus, qui fait le plus fantasmer les gens mais n’a pas encore trouvé son modèle économique. Un système de redistribution en créerait un.
Comment comptez-vous procéder pour mettre en place ce mécanisme de redistribution ?
Nous sommes tentés de penser que cela pourrait se faire dans le cadre d’un accord interprofessionnel. Tout le monde a intérêt à mettre en place un tel système, donc il suffit de se retrouver autour d’une table. Notre optique est que l’Etat doit , dans un premier temps, se contenter de servir de conseil de surveillance. Si le Centre national de la cinématographie prenait en charge la gestion de la redistribution, ce qu’il sait faire, ou si un nouvel organisme était créé, on pourrait imaginer que l’Etat prenne en charge les frais de fonctionnement. Mais si rien n’avance, alors nous attendons de l’Etat qu’il prenne ses responsabilités et joue les pères fouettards, en adoptant un dispositif réglementaire.