Un amendement à la loi de finances, adopté le 7 décembre, précise que les agents des Douanes et les inspecteurs de la COB pourront accéder aux données de trafic Internet des fournisseurs d’accès. La loi sur la sécurité quotidienne les réservait aux juges.
" Et moi, et moi, et moi ! ". La chanson est en vogue : si Lionel donne à Paul, Pierre réclame les mêmes avantages. Certains manifestent. D’autres pratiquent le lobbying. C’est ce que semblent avoir fait les services de Douanes et la Commission des opérations de bourse (COB), concernés par un amendement gouvernemental au projet de loi de finances rectificatif. Amendement adopté sans concertation le 7 décembre. Signalé par le forum des droits sur l’Internet, ce "cavalier" parlementaire (disposition sans rapport avec le texte auquel il se rattache), précise que les inspecteurs de la COB et les agents des Douanes (au minimum des inspecteurs) pourront demander aux fournisseurs d’accès les données de trafic Internet conservées pour les enquêtes concernant des infractions pénales. Une disposition supplémentaire, peu claire, concerne la Direction des impôts. Le texte n’est pas définitivement adopté puisqu’en cours de navette parlementaire.
Confirmer des pouvoirs légaux
L’obligation de conservation des données de connexion, qui fait débat depuis plusieurs mois, a été inscrite dans les amendements à la loi sur la sécurité quotidienne, adoptée "pour deux ans" en novembre au mépris de la Constitution. Elle était instamment réclamée par le ministère de l’Intérieur, c’est -à -dire la police. Pourquoi le ministère des Finances a-t-il choisi d’ajouter aux bénéficiaires de cette mesure les Douanes et la Commission des Opérations de Bourse (COB) ? Dans un procès-verbal de la séance à l’Assemblée, la secrétaire d’Etat au Budget Florence Parly explique que l’amendement " tend à confirmer les pouvoirs légaux (...) conférés à la Douane, à la Direction des impôts et à la COB (...). Un article de la loi sur la sécurité quotidienne avait pu créer un a contrario source d’imprécision et de contentieux ". Cet "a contrario", le voici : la conservation des données par les fournisseurs d’accès à Internet pour un délai prolongé pose un problème de respect des libertés individuelles. Le texte de la loi sur la sécurité quotidienne indique qu’elle est effectuée " dans le seul but de permettre, en tant que de besoin, la mise à disposition de l’autorité judiciaire d’informations ". Or, même s’ils sont dotés de pouvoirs d’enquête et de sanction, les Douanes, la COB et les impôts sont des organes administratifs.
Nature des communications
À la COB, on estime que le texte ne confère pas de nouveaux pouvoirs à la commission. Que l’accès de ses enquêteurs aux données de connexion entre dans leurs prérogatives habituelles. Qu’il s’agit d’un "minimum nécessaire ". Le texte qui régit la COB indique que ceux-ci peuvent se faire communiquer "tout type de document". D’après un magistrat parisien spécialiste des affaires financières, cette nouvelle mesure est logique puisque les enquêteurs de la COB ont déjà la possibilité de se faire communiquer des relevés de communications téléphoniques. Or, dans le débat sur la conservation des données de connexion, c’est justement la nature des communications par Internet qui pose problème, dans la mesure où les données recueillies, à la différence des numéros de téléphone, donnent davantage d’informations sur le contenu des communications. Même à Matignon, on s’interroge sur l’incidence de ces ajouts dans la négociation en cours des décrets d’application de la loi sur la sécurité quotidienne.
À qui le tour ?
Par ailleurs, le procédé pose plusieurs questions de démocratie : cet amendement, adopté sans même avoir été étudié par les députés de la majorité fait référence à un texte (l’article de la LSQ) adopté dans l’urgence et limité dans son domaine d’application et dans le temps. L’accès à des données conservées pendant un temps excédant les besoins de la facturation se trouve désormais étendu à des autorités administratives. Enfin, les dispositions de la LSQ avaient été annoncées "pour deux ans". Comment une mesure destinée à "confirmer des pouvoirs légaux" peut elle s’asseoir sur un texte provisoire ? Les prochaines lectures du texte au Parlement permettront peut-être de répondre à la question.
La commission des opérations de bourse
http://www.cob.fr
Le Forum des droits sur l’Internet
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