Thierry Mileo est directeur général de Firstmark France, entreprise qui a décroché l’une des deux licences nationales pour opérer la boucle locale radio, en août 2000. Il vise uniquement le marché professionnel, contrairement à l’autre dépositaire d’une licence nationale, Fortel. Ce dernier, après de graves difficultés de financement, a été racheté (à 50 %) cette année par un autre opérateur, LD Com (BLR Services) qui dispose déjà de licences régionales. Il reste donc deux concurrents au niveau national : Firstmark, avec 500 clients business, et Squadran (nouveau nom de Fortel). Interview.
Problèmes de financement, licences régionales rendues : on dirait que les opérateurs de boucle locale radio survivent difficilement. Comment expliquez-vous cela ?
La boucle locale radio ne peut pas marcher pour le grand public. Cette technologie n’est rentable que pour les PME-PMI ; c’est ce qui explique que les opérations de Fortel n’aient pas vraiment démarré. Racheté et rebaptisé Squadran par LD Com qui détenait déjà onze licences régionales au nom de BLR Services, ils revendent aujourd’hui aux autres opérateurs. Quant aux autres opérateurs, ils sont peu actifs. Cela s’explique par des problèmes techniques et des difficultés à trouver des financements sur le marché. Mais cela n’est pas propre au marché de la BLR. Le taux de mortalité des opérateurs de BLR n’est pas plus élevé que dans le DSL ou la fibre optique...
Pourquoi la BLR est-elle intéressante pour les professionnels ?
Le câble et l’ADSL sont deux technologies grand public. Pour les professionnels, on a besoin de technologies qui garantissent le débit. C’est ce qui motive nos clients. Ils demandent rarement des débits supérieurs à un mégabit par seconde, sachant que la BLR peut monter jusqu’à 8 Mbits/s. Mais ils remplacent leur ligne Numéris, qui n’offre ni le débit garanti, ni une connexion permanente, par une connexion radio de 400 Kbits/s en moyenne. Il faut savoir qu’avec notre produit d’entrée de gamme, 64 Kbits/s, on obtient en pratique de 300 à 400 Kbits/s.
Les entreprises développent-elles de nouveaux usages dès lors qu’on leur installe une connexion radio ?
Oui, pour les gens qui utilisent déjà Internet dans leur métier. L’un de nos premiers clients, une webagency qui avait auparavant une ligne Numéris à 128 Kbits/s, a accepté de tester une connexion radio à 2 Mbits/s : les salariés se sont mis à faire du streaming, du téléchargement. Ils ont développé de nouvelles méthodes de travail. Après cette expérience, impossible de revenir à une ligne Numéris, même à 256 Kbits/s. Il y a aussi une agence immobilière qui envoie des films par e-mail à ses clients ; un architecte qui diffuse ses plans... En général, l’adoption du haut débit passe par trois étapes. D’abord, Internet se généralise dans l’entreprise. Ensuite, la taille des fichiers envoyés augmente. Et puis les services liés à l’image se développent : vidéo, télésurveillance, streaming...
Vous venez d’ouvrir votre premier réseau DSL (filaire) pour les entreprises à Paris. Pourquoi ?
Comme la plupart des entreprises ont des besoins inférieurs à 2 Mbits/s, le DSL est une technologie parfaitement adaptée. Elle est complémentaire de la BLR dans la mesure où nous ne pouvons atteindre le quart des immeubles en zone urbaine. De nombreux propriétaires d’immeubles refusent en effet que l’on installe une antenne sur leur toit, or il faut que les antennes BLR se " voient " l’une l’autre pour que le signal soit transmis. Avec le DSL à Paris, nous faisons donc passer notre taux de couverture potentiel de la zone de 65 % des entreprises à plus de 90 %. En mariant les deux technologies, nous rentabilisons notre force commerciale sur place.
Quelles sont les perspectives commerciales du haut débit en France ?
Nous recrutons cent nouveaux clients chaque mois sur le marché des entreprises, alors que nous en avons déjà 500 dans notre portefeuille. C’est très rapide. Toutefois, il faut comprendre que la croissance du marché du haut débit (je précise : le haut débit, c’est-à-dire la connexion permanente) pour les entreprises ne sera pas du même ordre que celle du marché de la téléphonie mobile en général. Nous prévoyons que la moitié des salariés auront une connexion permanente au bureau d’ici 2006, soit une croissance de 20 à 25 % par an. Dans le cellulaire, c’était une croissance de 50 % pendant cinq ans ! Bref, le haut débit est un marché porteur, mais son déploiement va s’étaler. Il faudra dix ans avant que tous les salariés en profitent en France.
*Digital Subscriber Line, : l’ensemble des technologies qui permettent de transporter des données sur le réseau téléphonique commuté.