Le sénateur du Rhône, René Trégouët, est un fervent défenseur de l’Internet depuis que le réseau a entamé son aventure en France. Pour lui, pour que cela bouge,il faudrait une révolution générationnelle : que la jeunesse prenne le pouvoir...
Quel a été, selon vous, le signal de la chute des dotcoms ?
En Europe, ce signal fût sans conteste l’attribution (totalement déraisonnable) des fréquences UMTS par vente aux enchères à Londres. L’Europe est alors entrée dans un processus qui la mettra à genoux, si ses principaux gouvernements et les majors des télécoms ne reconnaissent pas, rapidement, qu’ils se sont trompés en choisissant cette voie qui a endetté de 2 000 milliards de francs l’un des secteurs essentiels pour l’avenir et ce pour une technologie qui ne fonctionnera pas avant cinq ans...
Croyez-vous toujours autant à Internet ?
Demanderiez-vous à quelqu’un si l’écriture, le livre ou le téléphone sont nécessaires à l’avenir de l’humanité ?
Croyez-vous au commerce en ligne ? Croyez-vous à l’avenir du Web non-marchand ?
Le commerce en ligne sera le commerce de l’avenir à partir du moment où il s’appuiera sur des modèles économiques crédibles. Les champs de progression sont immenses et nous ne pouvons pas encore imaginer comment ce monde nouveau va changer notre vie. Le Web non-marchand est co-substantiel d’Internet comme le conte et la conversation le sont de la veillée. Mais là, au lieu que le théâtre d’expression soit le coin de cheminée ou la place publique, l’agora potentielle prend la dimension, à terme, de l’ensemble de l’humanité.
Croyez-vous toujours dans ce qu’on a appelé la « netéconomie » ?
Bien sûr, si nous savons que le gratuit n’a pas de sens pour acquérir ou utiliser des choses matérielles ou immatérielles de valeur. Soyons très nombreux à comprendre qu’il est préférable que nous soyons un million à accepter de donner 1 franc pour bénéficier d’un objet ou d’une œuvre plutôt que de constater qu’un seul individu peut bénéficier de cet objet exceptionnel parce que lui a la possibilité de le payer 1 million de francs. La « netéconomie » n’est pas l’économie du gratuit mais l’économie du partage : c’est là que se trouve l’enjeu de l’avenir.
Quelles vont être, selon vous, les futures grandes échéances, et que vont-elles apporter ?
Ces grandes échéances ne sont encore inscrites sur aucun calendrier car elles ne sont ni politiques ni économiques, comme beaucoup le pensent mais essentiellement culturelles. Tout basculera le jour où, dans les principaux pays de notre monde, la jeunesse ayant la même approche de l’avenir s’associera pour prendre les commandes. En effet, les hommes actuellement au pouvoir dans les principales démocraties n’ont pas encore pris conscience que la véritable révolution de notre temps n’est ni technologique, ni financière, ni économique mais bien culturelle. Pour la première fois dans l’histoire de l’homme, ce ne sont pas les hommes au pouvoir qui s’emparent les premiers de l’outil qui va changer le destin de notre planète mais bien la jeunesse et souvent même les plus jeunes de cette nouvelle génération. Il est stupéfiant de constater la cécité qui frappe les responsables actuels : il ne faudra pas qu’ils soient surpris quand, dans quelques (courtes) années, une nouvelle génération leur demandera de s’effacer. Il est devenu très « chic » de parler d’Internet mais, quand on va un peu plus loin, on est frappé par le nombre ridicule de responsables qui font l’effort de se servir tous les jours de ce nouvel outil. Accepterions-nous d’être dirigé par un ministre ou un patron qui ne saurait pas lire et écrire ?