Lors de la rencontre Remics à Bordeaux, qui a réuni du 8 au 10 novembre les associations de l’Internet solidaire, peu d’élus étaient au rendez-vous. Pas d’affolement pour Michel Briand, adjoint au maire de Brest qui, lui, y était...
Ingénieur télécom, adjoint au maire de Brest chargé du dossier des nouvelles technologies, Michel Briand est un optimiste. À Remics, ils n’étaient qu’un poignée d’élus, comme lui, à s’être mobilisés pour venir débattre dans les ateliers de la rencontre. Mais pour lui, le terrain est maintenant prêt pour que les collectivités se lancent.
Pourquoi un tel optimisme ?
J’anime un groupe de travail à l’association des villes câblées numériques : il y a trente participants, et dix à quinze élus. Dans une autre association, celle du pays de Brest, il y a trente élus sur plus de cinq-cent personnes. On y parle de la manière de lancer un site sur le Web, de mettre en réseau les écoles, les accès publics. Tout cela aurait encore été impossible il y a deux ou trois ans. En Bretagne, on a deux-cent cyber-communes, c’est-à-dire des villes qui disposent de points d’accès public à l’Internet, sans compter la ville de Brest elle-même. Rapporté à l’ensemble du territoire français, ça ferait 8 000 villes. Or, on en est seulement à 3 000 en France, si on respecte la définition : un espace public = huit ordinateurs et un animateur.
Certaines villes ont peut-être moins de moyens que Brest ?
Le budget de la ville, c’est 5 à 6 f par an et par habitant pour développer les points d’accès publics ; 1 f par an et par habitant pour les appels à projets, qui servent à développer l’accès à l’Internet, 6 F par an et par habitant pour le mutimédia dans les écoles. On est même prêts à financer des accès dans les maternelles, puisque Jack Lang, le ministre de l’...ducation, le demande...
À quoi ça sert, le multimédia à la maternelle ?
On a déjà équipé et relié l’ensemble des écoles primaires. Si c’est pour que le ministre envoie des mails directement aux instits, comme il en aurait formulé l’intention, ça se discute. Si c’est pour un projet pédagogique, d’accord. On voulait le faire de toutes façons, mais à notre manière, en trois ans, tranquillement. La première année avec ceux qui sont très intéressés, la seconde avec ceux que ça aura rendu curieux et la troisième avec les plus réfractaires à qui l’exemple donnera forcément envie de suivre. Dans ces matières, on n’impose jamais rien par le haut.
C’est pour cela que vous n’arrivez pas à développer les accès dans les lycées ?
Ça, c’est un vrai motif d’insatisfaction. À ma connaissance, il y a moins d’une heure d’accès par an et par élève en dehors des formations professionnelles. Très peu de lycées disposent de salles en accès libre. Il y a juste quelques postes à partager pour un millier d’élèves.
Brest peut payer ?
Je voudrais d’abord que la communauté urbaine finance, pendant six mois ou un an, un emploi pour étudier l’organisation de tels points d’accès... Parce que, avant d’installer quoi que ce soit, il est plus sage d’envisager comment et avec l’aide de qui les lycéens vont pouvoir s’approprier l’outil. Ce n’est pas si simple. On n’a pas d’équipes dans les établissements pour assurer ce suivi. C’est bloqué depuis un an... et il a fallu six mois pour que la fiche descriptive du projet soit écrite ! Il va encore falloir six mois pour décider du financement.
Vous venez de financer un point d’accès pour les "SDF avec chiens", pourquoi ?
Dans le cadre des appels à projets auprès des associations, celui-ci a été soumis au jury. Il est composé de représentants de l’...ducation nationale, de la ville, de la caisse d’allocations familiales, de bibliothèque, du Conseil général. Une association, spécialisée dans l’accueil des SDF, s’est rendue compte qu’ils étaient chassés des points d’accès publics. On n’est pas allée la chercher. On donne 15 000 francs pour ce genre de projet. Ils ont déjà un local, ça leur permet d’acheter le ou les micro-ordinateurs dont ils ont besoin.
Pourquoi est-ce important de toucher tous les publics, via les points d’accès en ville ?
La densité des services proposés sur Internet ne fait que s’accroître. En particulier de la part des services publics pour faciliter les démarches administratives. Il devient donc de plus en plus nécessaire que les habitants des quartiers puissent disposer d’un accès Internet. Plus le nombre des utilisateurs sera grand, plus le sentiment de ceux qui ne le sont pas, de "ne pas en être" sera violent. C’est une problématique comparable à celle de la scolarisation. Si l’école obligatoire ne touchait pas tout le monde, ce serait tout aussi insupportable. Pour vivre en société, être un citoyen, il faut une certaine base culturelle, et tout le monde y a droit. Même si ce n’est pas encore aujourd’hui, il faut que ce soit possible un jour.