17/05/2000 • 17h30
”Dans la guerre criminelle, il faut pouvoir trouver rapidement les personnes dangereuses”
Entretien avec Philip Reitinger, chef du sous-groupe high-tech au sein du G8, et sous-directeur adjoint de la section crime informatique et propriété intellectuelle de la division criminelle du ministère de la Justice américain. Aux ...tats-Unis, derrière un discours lisse et respectueux de l’anonymat, de la liberté d’expression, etc., on est globalement plus favorable aux méthodes musclées de lutte contre le cyber-crime.
)transfert : Selon Washington, est-il nécessaire de mettre en place une force de police multinationale pour lutter contre le cyber-crime ?
Philip Reitinger : Non. On peut se contenter de la coordination et de la coopération "interétatiques". Quantité d’instances internationales y travaillent déjà, le G8, le Conseil de l’Europe, les Nations unies. La coordination est déjà très importante. Il faut juste veiller à ce qu’elle s’applique de façon mondiale. Nous devons être sûrs que les organismes de coopération travaillent bien ensemble, afin de ne pas égarer les preuves quand des actes criminels ont été commis. L’exemple type d’une bonne coordination est le réseau "24/7", joignable 24 heures sur 24, sept jours sur sept, dans le cadre d’une enquête de police trans-frontières.
S’agit-il uniquement d’accroître les dotations budgétaires des organismes existants, ou bien de prendre des mesures qualitatives pour renforcer la coordination internationale ?
Les autorités de police et de justice ont besoin de communiquer à l’aide d’un réseau aussi efficace que les systèmes informatiques. Un réseau capable de trouver le meilleur moyen de communiquer rapidement, quelles que soient les conditions. En somme, si le fax ne marche pas pour faire passer une information, je dois pouvoir trouver un autre moyen. Ce n’est pas seulement une question d’argent, mais avant tout de dialogue. Nous avons intérêt à développer les relations entre les ...tats et avec l’industrie. Parce que la coopération s’établit sur une base volontaire, elle ne fonctionne pas sans volonté.
S’il ne faut pas de force de police internationale spécifique, faut-il des règles particulières pour réprimer le cyber-crime ?
C’est une question compliquée. Mais on peut effectivement se demander s’il ne faut pas des lois qui pénalisent l’entrée par effraction dans les systèmes informatiques. Toutefois, si l’on édicte des lois spéciales, il faut que cela soit justifié. Je prends un exemple. Dans le monde physique, il est illégal de menacer quelqu’un de mort. Sur Internet aussi. Mais comme il s’agit d’un contexte différent, cette menace pourrait ne pas peser le même poids. Je pose la question : doit-on avoir le même degré de sanction sur Internet ?
L’anonymat est-il compatible avec la lutte contre le cyber-crime international ?
Dans beaucoup de contextes, c’est une notion très importante. Lorsque vous révélez des informations sensibles, que vos opinions politiques peuvent être discriminées, l’anonymat est un moyen de faire respecter la liberté d’expression. C’est aussi un outil de protection de la vie privée dans un cadre commercial. Mais cela peut également créer des problèmes, quand on en vient à l’anonymat rigoureusement impénétrable. Cela devient dangereux. Dans la guerre criminelle, il faut pouvoir trouver rapidement les personnes dangereuses. Là-dessus, c’est vrai, certains pays européens et les ...tats-Unis nourrissent des vues divergentes. Mais c’est justement pour cela que nous avons besoin d’un dialogue international.
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