Représentant suisse de la commission fédérale de protection des données, Jean-Philippe Walter dénonce le dépistage physiologique dans les entreprises.
Lors de la Conférence internationale sur la protection des données personnelles, du mardi 25 septembre, portant sur le thème de la cyber-surveillance, Jean-Philippe Walter, le représentant suisse de la commission fédérale de protection des données, a choisi d’intervenir sur un sujet préoccupant. Des tests de dépistage physiologique sont pratiqués sur les salariés, dans certaines entreprises. Interview de Jean-Philippe Walter.
Depuis quand la Commission suisse s’intéresse t-elle à cette problématique ?
Depuis environ deux ans. La première affaire concernait une entreprise automobile qui projetait d’effectuer des tests de dépistage de consommation de drogue sur ses salariés. Tous les apprentis devaient, lors de leur embauche, se soumettre à un relevé d’urine. Nous avons été informé de cette pratique par un article de presse. Après enquête, nous nous sommes mis en relation avec l’entreprise en question et nous l’avons convaincu que ces tests n’étaient pas nécessaires. Plus tard, les autorités sanitaires nous ont alerté à propos du groupe pharmaceutique Hofman Laroche. L’entreprise procède, en effet, régulièrement et depuis quelques années à ce genre de dépistage sur son personnel.
Pourquoi cette entreprise recourt-elle à de tels tests ?
La société justifie ces tests de dépistage par plusieurs arguments plus ou moins douteux. Elle assure que cela lui permet de prévenir la consommation de drogue au travail. Elle s’appuie également sur le droit suisse qui exige que les sociétés veillent à la sécurité et à la santé de leurs travailleurs sur le lieu de travail. Chaque entreprise doit ainsi prévenir toute atteinte à la santé de ses salariés. Mais ce devoir d’assistance ne justifie pas le recours à des tests. Le groupe assure, en outre, avoir obtenu le consentement de ses employés. Mais il nous faut encore savoir si ce consentement a été obtenu en préalable, si les employés ont disposé d’une information explicite, etc. Ce qui est loin d’être certain. Le seul argument pertinent est celui qui invoque la sécurité de l’entreprise, le domaine pharmaceutique pouvant être considéré comme un secteur à risque. Cela étant, ces tests nous paraissent très disproportionnés et inacceptables.
Quelles mesures ont été prises par la commission ?
Nous avons demandé à l’entreprise de détruire tous les tests effectués. Ceux-ci constituent une atteinte au droit de la personne et une infraction au code du travail. Nous nous sommes heurtés à un refus catégorique de la part de l’entreprise. Celle-ci a même intenté une action devant le tribunal administratif. L’affaire est en cours. Cette réaction nous inquiète. Voilà pourquoi nous avons décidé d’en parler lors de cette conférence. Des groupes comme Hofman Laroche et Novartis - nous soupçonnons également ce dernier de pratiquer des tests - sont des multinationales implantées un peu partout en Europe. Autant dire que ce procédé pourrait être fort répandu. Selon nos informations, c’est une pratique courante en Allemagne.
Site de la commission fédérale suisse de protection des données personnelles:
http://www.edsb.ch/