Après les attentats, les entreprises américaines ne savent plus trop sur quel pied danser. Partagées entre la compassion et le besoin de rassurer le marché apeuré, elles semblent accuser le coup.
L’économie est en deuil. C’est au moins vrai pour les entreprises qui ont perdu des employés dans les tours du World Trade Center ou dans les avions détournés par les terroristes. Apparemment, au moins onze dirigeants d’entreprises technologiques sont morts dans les attentats. Sur le vol 11 d’American Airlines se trouvait notamment Daniel C. Lewin, le cofondateur et directeur technique d’Akamai, qui commercialise des solutions d’accélération du trafic réseau. Dans le même avion sont morts Edmund Glazer, le directeur financier du fournisseur de fibres optiques MRV, Jeff Mladenik, pdg par intérim d’Elogic et Phil Rosenzweig, un des dirigeants du constructeur informatique Sun. 4 763 personnes sont portées disparues, selon le bilan provisoire communiqué aujourd’hui par le maire de New York.
Donner
Après les attentats, des groupes ont voulu faire montre de citoyenneté, de solidarité, voire de patriotisme. C’est Microsoft lui-même qui a annoncé le premier une aide aux victimes. Le geste se divise en 5 millions de dollars en liquide et – plus inattendu – 5 autres millions de dollars en logiciels et services informatiques. Ce matériel serait destiné à aider les autorités dans les opérations de secours. Pour achever de convaincre de ses intentions généreuses, le géant de Redmond a aussi promis de doubler tout don fait personnellement par ses employés. D’autres groupes américains ont promis d’autres efforts, dont le leader américain des infrastructures réseaux Cisco, à hauteur de 6 millions de dollars.
Ne pas faire de biz
Il semble en effet que la forte activité économique ne soit pas compatible avec une période de deuil. Les marchés et entreprises ont donc parfois choisi de se mettre en sommeil. Dès mardi après-midi, le Nasdaq avait annoncé sa suspension pour une durée indéterminée. Dans un communiqué, la bourse des valeurs technologiques américaine assurait ainsi que "ses prières allaient aux familles des victimes". Wall Street avait elle aussi fermé ses portes. En Europe, l’activité financière a repris, mais il semble que les acteurs n’aient pas le cœur à la spéculation. L’incertitude quant aux rumeurs de récession ajoutait à l’embarras. Ebay, lui, a jugé bon d’interdire, sur son site d’enchères, la vente d’objets liés au World Trade Center et au Pentagone sur sa plate-forme d’enchères en ligne. Electronic Arts a lui aussi montré sa bonne volonté dans un contexte tendu vis-à-vis des jeux vidéo. L’éditeur américain a ainsi suspendu son dernier jeu en ligne multijoueurs Majestic. Mélangeant réel et virtuel, ce jeu de rôle intrusif pousse les dizaines de milliers de joueurs inscrits à déjouer des conspirations qui se cachent au cœur des institutions...
Rassurer
Dans la tourmente, il importait aussi pour certains de rassurer et de dissiper les craintes. Les compagnies d’assurance ont dû prévenir que le montant inédit des dégâts (15 milliards de dollars de remboursements selon les premières estimations) ne mettrait pas en péril leur solidité. Le géant du logiciel allemand SAP a, lui, annoncé qu’il adaptait son calendrier car les locaux du siège de sa division marketing se trouvaient dans la zone bouclée par les autorités de New York, dans le sud de Manhattan. Concernant le matériel informatique perdu dans la destruction des tours, les entreprises installées au World Trade Center ont aussi tenu à rassurer leurs clients. Morgan Stanley a ainsi annoncé que ses fichiers et documents avaient été sauvegardés, et que l’attentat ne gênerait pas son activité.
Confiance perdue
Car, ainsi que nous le disent les experts et entrepreneurs de tout poil, l’économie est une affaire de confiance. La nouvelle économie, dont le moral semblait déjà au plus bas, encaisse un coup supplémentaire. Les constructeurs informatiques sont également inquiets car ils réalisent traditionnellement une grande partie de leurs ventes du troisième trimestre lors des deux dernières semaines de septembre. Comme le rappelait Intel lors de l’annonce de ses résultats semestriels, c’est à cette période que beaucoup d’entreprises passent leurs commandes afin d’obtenir des rabais. Si les réseaux de télécommunications ont tenu le coup malgré le trafic énorme généré par l’après-attentat, les opérateurs pourraient souffrir à moyen terme si les grandes banques, anticipant une récession, réduisent leurs accords de crédit vers ces groupes lourdement endettés. Le tableau a fini d’être noirci, si l’on en croit les séries de révisions de prévisions à la baisse publiées depuis mardi. "Les événements aux ...tats-Unis auront à notre avis des implications négatives pour la croissance économique dans ce pays en 2001/2002, mais aussi dans le monde", note ainsi le Bureau d’informations et de prévisions économiques (BIPE). Septembre noir, en effet.