Dix ans se sont écoulés depuis la fondation du magazine Wired par Louis Rossetto et Jane Metcalfe. Créé en 1991 aux ...tats-Unis, le journal qui voulait montrer "comment se fédéraient autour et par l’Internet des mondes opposés", était la suite d’un premier magazine, Langage Technology, lancé aux Pays-Bas, leur terre d’origine. "Il fallait aller en Amérique à cause du marché", se rappelle Jane Metcalf, interrogée par le magazine allemand Telepolis. L’excitation de "voir des frontières tomber nous guidait alors. Pas seulement ces frontières qui séparaient les Greateful dead et les responsables marketing de la Silicon Valley, mais toutes celles qui s’écroulaient".
Un désastre
Les années passent entre combats et allégresse. "À chaque étape, il y a eu des changements." De la pluvieuse Europe à la côte Est des ...tats-Unis puis vers la radieuse Californie, en 1991, en pleine Guerre du Golfe. Et toutes les critiques et les "ça marchera jamais" et les difficultés nombreuses que seul leur optimisme presque béat leur permis de surmonter. Mais, ces derniers temps, les pertes financières s’accumulent, les modèles financiers se succèdent. Fini les expérimentations et l’effervescence. C’est en 1999, ce moment "très déprimant", que Jane Metcalf jette l’éponge. "Ces deux dernières années, ca devenait de moins en moins clair et difficile de trouver ce qui était particulier et excitant. Beaucoup des gens ayant travaillé pour Wired, et il y en a eu plus de 1 000 qui sont passés par chez nous quand on y était, parlent d’aller vers le monde du non lucratif (associatif). Il y en a d’autres qui ont fermé leur boîte mail et ont décidé de ne plus se servir d’ordinateurs." C’est le retour du refoulé pour l’avant-garde des nouvelles technologies. Il ne s’agit plus de parler de LA nouvelle économie, mais de pleins de petites histoires, des sous-cultures excitantes aux nouvelles façons de travailler. "Une époque intéressante s’ouvre, dit-elle encore, car vous aller pouvoir choisir ce qui vous intéresse." Questionnée sur sa vision du futur, Jane Metcalf pense que les changements continueront même si "la révolution numérique" commence par un désastre. Cependant, "avec des histoires comme celle de l’Intifada électronique, on peut actuellement trouver (sur le Réseau) des informations sur ce qui se passe au Moyen-Orient et que les autres médias délaissent. Ce genre de choses continue et leur impact est énorme sur la société."
Regarder le futur
Pour Telepolis cependant, Wired le pionnier est devenu un magazine quelconque sur la nouvelle économie. Comme ceux qui s’éteignent les uns après les autres. Jane Metcalf veut bien l’admettre avec le sourire tout en soutenant que Wired a pourtant été un phare, un aimant vers lequel était tournée l’attention de nombreuses et disparates personnes. "S’il reste quelque chose de l’esprit Wired, c’est bien Wired news." Jane Metcalf, elle, a levé le pied. Elle ne passe plus qu’une partie de l’année en Californie et le reste du temps en Hollande, bien qu’elle pense que la Silicon Valley soit toujours un endroit d’importance. Elle préfère, pour ses enfants, un environnement culturel multiple. "Pas être liés seulement à un monde Disney." Après avoir quitté l’entreprise Wired, elle a entrepris avec l’arrivée de ses enfants, une démarche de "désintox". "On a travaillé comme des esclaves si longtemps. Je travaille à trois projets actuellement dont deux sont à but non lucratif." L’un, Ground Zero, concerne l’interaction entre l’art et les nouvelles technologies, et se veut une alternative au financement habituel des projets numériques. L’autre projet, One-economy.com, vise à résorber la "fracture numérique". La troisième, c’est un projet hollandais, Ex’pressions, une sorte d’école des nouveaux médias. Une nouvelle sorte de collège/université. Mais si l’expérience Wired était à refaire, Jane Metcalf ne changerait rien. Ce serait à nouveau l’optimisme, "la seule façon de regarder le futur".