France Télécom peaufine e-poll, le projet européen de système de vote électronique. La technique semble au point, mais les conditions de sa mise en place paraissent peu satisfaisantes.
Les ingénieurs de France Télécom R&D planchent dessus depuis un an. Aujourd’hui, ils considèrent que leur système de vote électronique est pratiquement au point. Le premier test "live" se déroulera en octobre 2001 à Vélinéo, une ville de 100 000 habitants située près de Naples. Un second test aura lieu à Mérignac, près de Bordeaux, à l’occasion des prochaines élections législatives, au printemps prochain. Le principe ? "Faire simple et pas cher". Ce système de vote électronique doit pouvoir se mettre en place rapidement, "avec du matériel communal par exemple, emprunté dans les écoles ou les mairies", explique Gilles Grattard, ingénieur chez France Télécom R&D.
Invitation aux urnes
Ces recherches sont menées dans le cadre du projet européen "e-poll" (polling signifie élection en anglais). E-poll réunit des équipes française, italienne, polonaise et allemande (avec Siemens). Le système étudié invite les votants à se déplacer jusqu’aux urnes. Le contrôle d’identité s’effectue à l’entrée des bureaux de vote. Les électeurs possèdent une carte à puce qui mémorise leur empreinte digitale. Avant de pénétrer dans les bureaux, ils doivent poser leur doigt sur un scanner à empreinte digitale, de façon à établir une comparaison avec les données mémorisées sur leur carte. Une fois ce contrôle effectué, l’électeur se rend dans l’isoloir. Il insère sa carte dans un lecteur. Un premier serveur effectue alors toute une série de vérifications : âge, inscription sur les listes électorales, droits civiques, etc. L’électeur est ensuite invité à choisir, sur un écran tactile, le candidat. Un deuxième écran lui demande de confirmer son vote. Une fois ce choix validé, une icône qui représente le bulletin se glissant dans une enveloppe apparaît sur l’écran. Ce choix s’inscrit alors temporairement sur la carte à puce. Conformément aux textes de loi, le vote s’effectue en public. L’électeur sort de l’isoloir, et place sa carte dans une urne électronique. Une fois lu par cette machine, le vote est transmis à un serveur par "réseau sécurisé". Ce serveur, qui reçoit des paquets de bulletins validés par la première machine (celle qui effectue les vérifications sur les électeurs), signe "en aveugle" les informations transmises. Une technologie brevetée par David Chaum, le père des "cyberdollars" qui garantit, selon Gilles Grattard, "l’ impossibilité de relier le vote à l’authentification du votant".
3 questions à François Vernay, chef de projet et Gilles Grattard, ingénieur, qui se consacrent tous les deux à e-poll chez France Télécom R&D.
Vous devez concevoir un système "qui ne coûte pas cher". Peut-on vraiment faire un système à la fois bon marché et sécurisé ?
Oui, car les machines actuelles sont capables de faire des calculs qui garantissent la sécurisation des données transmises. De plus, les différentes machines reliées en réseau se surveilleront entre elles. Si un problème survient, nous en seront immédiatement avertis. Ce qui est plus compliqué, c’est de faire un système simple.
Justement, est-il possible de construire un système de vote électronique utilisable par tous, même par ceux qui n’ont jamais vu un ordinateur ?
C’était notre volonté. Au cours des quelques démonstrations que nous avons effectuées, nous nous sommes rendu compte que le système ne posait pas de difficulté. Mais il est vrai que ces personnes semblaient plutôt jeunes et qu’elles étaient sans doute habituées à utiliser des ordinateurs. Au cours des tests effectués en Italie et à Mérignac, ou seule une partie des bureaux sera équipé de ce système, nous évaluerons les difficultés qui peuvent se poser aux électeurs. Nous pourrons ensuite rectifier le tir si c’est nécessaire.
Comment peut-on faire un tel système avec des machines qui servent aussi dans les écoles ou dans les mairies ? Chacun sait qu’elles sont souvent obsolètes et peu puissantes ?
Effectivement, ce système ne sera efficace que s’il est suivi d’une véritable action politique. Nous sommes conscients que jusqu’à présent, on ne trouve pas d’écran tactile dans les écoles. La réduction de la fameuse fracture numérique doit passer par l’achat d’ordinateurs neufs. C’est une des conditions pour garantir la réussite du vote électronique.