Marre d’abîmer vos doigts sur les cordes d’une guitare, de chanter en sautant devant votre glace ? Rendez grâce au Web : il vous permet d’exercer vos talents musicaux. À votre souris et à vos enceintes !
Séduisante, amusante, souvent dotée d’une esthétique impeccable, une nouvelle espèce de sites fleurit sur le Réseau. Sa raison d’être ? Assouvir un rêve de gosse. Permettre à chacun de s’asseoir enfin devant les platines, pour scratcher et sampler tout son saoul, de façon aussi virtuelle que convaincante. Prenez rythmik.com. Sur ce site français, l’internaute devient rappeur à la place du rappeur, composant son morceau dans un décor de cave reconstituée. Les commandes de la « Hip-Hop Station » lui permettent de mixer en ligne un morceau du groupe parisien Mafia Trece en assemblant des échantillons, des sons et des mots scandés par quatre rappeurs aux silhouettes découpées sur le fond du décor.
Ludique ? Pas seulement. « Au départ, c’était éducatif : l’idée était de montrer comment se compose un morceau de rap », explique Jean-Marie Tassy, responsable de la production. Devant sa console virtuelle, l’internaute visitant rythmik.com saute de boucles en beats, sélectionne le tchacheur de son choix, choisit les vinyles qu’il va malmener sur ses deux platines. Plus vrai que le vrai ! « Techniquement, nous avons beaucoup travaillé pour mettre en place trois niveaux de difficulté. Au premier, chaque fois que l’internaute choisit de superposer des samples, ceux-ci se calent instantanément. Par contre, lorsqu’on arrive au troisième, il faut avoir une oreille très exercée pour éviter la cacophonie : les sons ne s’ajustent plus automatiquement. »
Puzzle musical
Moins interactifs sont les remixes en ligne d’artistes connus comme le groupe anglais Morcheeba, le DJ Bob Sinclar - qui offre, à son tour, deux types de mixes, « glam » et « minimal » - ou le Grand Popo Football Club d’Ariel Wizman. Dans le cas de ce dernier, « l’internaute déplace sa souris dans l’univers graphique de l’artiste. Elle se comporte comme un fader, permettant de jongler avec les six boucles musicales qui composent le morceau. »
Lui aussi à base d’animations Flash, le site turntables.de met en scène un rappeur caricatural, des éclairages modulables... et une table de mixage reliant deux platines sur lesquelles vous, DJ ceinture blanche, pourrez scratcher les galettes mises à votre disposition. Le tout dans un graphisme de bonne qualité, façon cartoon revisité. Les créateurs allemands de ce site ont poussé leur bouchon expérimental franchement plus loin, avec Phonatix. Très élégant, ce site permet d’associer des fragments de thèmes musicaux pour générer des univers zen et relaxant, typés new-age.
Graphiquement moins accompli, mais musicalement plus riche, le Radio 3 du site de la BBC propose cinq jeux musicaux où formes et notes jouent à cache-cache. Lizard King émet des échantillons de sons lorsque l’on promène la souris au long de la représentation abstraite et fantaisiste d’un reptile. Un sélecteur « jour-nuit » modifie l’atmosphère du morceau. Attention, la réussite n’est pas garantie, à vous de vous montrer brillant : l’œuvre contemporaine sortie de votre ordinateur risque de chatouiller les oreilles délicates.
Si ses enceintes ou son casque n’ont pas déjà rendu l’âme, l’internaute pourra ensuite s’exercer sur Composer Game, une sorte de puzzle musical où l’on assemble 20 sons ou samples différents sur quatre pistes distinctes. Mais l’aboutissement de cette ascèse artistique, c’est dans le Kit Sound que vous la trouverez. Au menu : additionner et empiler quatre rythmes, dix « atmosphères » et 16 sons allant des bruits de pas aux battements de cœur, en passant par des accords de guitare classique. Au final, vous pourrez envoyer votre composition originale au site de la BBC Gallery - et vous faire, avec un peu de chance, écouter dans le monde entier...
Plaisir instantané
Après s’être exercé à produire des tonalités acceptables pour les tympans, l’apprenti musicien pourra doubler sa création musicale d’une expérimentation graphique. Sur modifyme.com, il agrègera des sons technos - en cliquant sur des dossiers, en réglant des fréquences et des vitesses -, tandis que des formes se combineront au gré des boucles musicales, composant un ballet géométrique. Toutefois, le mélomane connecté trouvera sa place au sein de l’élite artistique avec le très beau pianographique.com, produit par la société Upload. Fait de « brosses visuelles et sonores », ce site a pour but, selon son créateur Jean-Luc Lamarque, « de donner du plaisir instantanément ». Il y parvient par cinq genres musicaux : rap, jazz, rock, techno et world. La frappe d’une lettre fait naître une note, un sample, et simultanément, une esquisse, un dessin envahissent l’écran. Pour Jean-Luc Lamargue, ce sont « des tableaux musicaux vivants ». Et si l’art était enfin à la portée de tous ?