La présidente de l’Association française du télétravail et des télé-activités dirige Distance Expert,
un cabinet de conseil sur la mise en place des nouvelles organisations de travail.
Comment avez-vous commencé à militer pour le télétravail ?
Deux raisons m’y ont poussée. La première, c’est la guerre du Golfe : j’étais en mission pour IBM aux ...tats-Unis, et j’ai été forcée de retourner dans les bureaux britanniques d’IBM. Les Américains considéraient que j’étais « en danger » sur leur sol, puisqu’ils étaient en guerre. Résultat, j’ai été interdite de voyage pendant trois mois. La seconde raison, c’est que j’ai été détachée dans le cadre de la mission télétravail de 1993 pour participer à l’élaboration du rapport Breton. À l’époque, IBM menait un projet de nomadisation des forces commerciales et mettait en place une organisation virtuelle. Depuis, j’ai monté mon cabinet de conseil et je travaille souvent comme expert pour la Commission européenne.
Depuis le début des années 90, le télétravail est passé de mode. Continue-t-il à se répandre discrètement ?
Surtout sous sa forme tacite, non structurée, c’est-à-dire le nomadisme. C’est dommage, parce qu’on ne tire pas tous les avantages du travail à distance en termes d’efficacité et de productivité. On plaque une technologie sur une vieille organisation. On passe à côté de l’opportunité de remettre tout le monde dans la même dynamique, de créer des bulles de motivation et d’expression dans l’entreprise, de revoir la relation entre le front office et le back office. Heureusement, il y a aussi un télétravail plus formalisé, fruit d’un dialogue social. Cela ne signifie pas nécessairement la signature d’un accord, mais l’instauration de nouvelles règles contractuelles et de comportement. Il s’agit de déterminer à quel moment les uns et les autres sont joignables, les lieux où ils sont autorisés à travailler, le mode de gestion des horaires, les modes de flexibilisation...
Les 35 heures et la méfiance des syndicats constituent-ils un frein au développement du télétravail ?
Les 35 heures sont applicables au télétravail. Savez-vous qu’on peut pointer sur Internet ? La filiale française d’une grande multinationale réfléchit en ce moment à la mise en place d’un tel système, basé sur une carte à puce avec un système d’identification audio. Quant aux syndicats, depuis deux ans, ils sont acquis au télétravail. Ce sont d’ailleurs eux qui garantiront que la mise en place du travail à distance ne se fera pas de façon non concertée. Aux ...tats-Unis, un grand mouvement de conversion au télétravail est en cours. Ici, nous avons été bloqués par les 35 heures, car le calendrier était trop bref. Les partenaires sociaux n’ont pas eu le temps de se réorganiser, de penser à autre chose qu’à l’application de cette loi rigide.