Des chercheurs allemands viennent de donner naissance à un circuit intégré hybride : il mélange des cellules neuronales d’escargot et des microprocesseurs à base de silicium.
"Une étape fondamentale en neuro-électronique". C’est de cette manière que les professeurs Fromherz et Zeck, de l’Institut de biochimie Max Planck, basé à Munich, commentent le résultat de leur expérience. C’est en effet la première fois que des scientifiques font fonctionner un circuit intégré mêlant du vivant et de l’électronique. Importante du point de vue neuro-électronique, cette découverte pourrait plus généralement s’appliquer aux domaines médical et informatique.
Des neurones d’escargots dans des enclos
L’expérience réalisée est relativement simple. En utilisant de mini-pipettes, les chercheurs ont prélevé une vingtaine de neurones à des escargots, plus maniables que des neurones humains, avant de les disposer au-dessus des microprocesseurs. Les neurones, isolés individuellement par des séries de piquets en polymère, ont été posés sur des transistors amplifiant le moindre voltage, et stimulés par une source d’énergie. Des synapses, c’est-à-dire des aires de jonction entre cellules nerveuses, se sont ainsi développées. Le signal électrique émis par la puce en silicium est ensuite passé d’un neurone vers un autre, avant de revenir vers le semi-conducteur : le premier circuit intégré partiellement vivant était né. "C’est assez basique, concède le professeur Fromherz, cité dans le Washington Post, mais c’est la première fois qu’un réseau de neurones rentre en interface avec une puce en silicone." La réussite de l’expérience consiste surtout, selon Gérard Dreyfus, le directeur du Laboratoire d’Electronique de l’ESCPI (...cole supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris), à avoir su "guider et maîtriser la croissance des neurones", qui ont tendance à bouger librement.
Combinaison de neurones et de microprocesseurs
Les applications de cette découverte semblent d’ores et déjà importantes. On pense tout d’abord à l’industrie, comme la conception d’ordinateurs ou de robots qui raisonneraient comme des humains. Pour Gérard Dreyfus, ça n’est pas pour demain. "Ce n’est pas parce qu’on sait maîtriser quelques neurones qu’on saura faire réfléchir un circuit", assure-t-il. D’autant que la durée du fonctionnement du circuit n’a pas été précisée, ce qui relativise pour l’instant quelque peu la découverte. Les applications médicales sont envisageables dans un plus proche avenir. Elles pourraient notamment permettre de réparer des systèmes nerveux endommagés, en combinant des neurones et des microprocesseurs. Enfin, grâce à cette découverte, on pourrait mieux comprendre le mécanisme de formation de la mémoire humaine, en observant les modifications des synapses lors de la mémorisation d’une donnée. Néanmoins, prévient Gérard Dreyfus, "on ne sait pas si la culture des neurones que l’on fait dans ce genre d’expérience fonctionnera dans le cerveau, où tout est plus complexe...".