Jack Lang a annoncé, lundi 20 août, un accord entre l’...tat et IBM sur l’utilisation d’un logiciel. Pour Jean Peyratou, promoteur du logiciel libre, cette politique contredit les orientations prises précédemment par le gouvernement.
Jack Lang n’a pas l’air particulièrement branché logiciels libres. Et d’aucuns, à Hourtin, sussurrent qu’il n’est pas motivé par les logiciels tout court. Ce qui se conçoit. Mais mécontente certains. L’expérimentation d’un bureau virtuel à l’université de Strasbourg, élaborée pour une part avec Microsoft, et reprise par le Conseil général des Landes pour tester ses premiers cartables électroniques faisait déjà grimacer certains promoteurs du logiciel libre. Ceux-ci ont eu un nouveau motif de déception lors des universités d’été de la communication à Hourtin (Gironde), avec l’annonce d’un accord, lundi 20 août, entre le ministère de l’éducation nationale et IBM. La firme américaine fournira gratuitement aux élèves et profs le logiciel bureautique Lotus Notes, ainsi que la formation qui va avec. Jean Peyratou, membre de l’AFUL (association francophone des utilisateurs de Linux), qui promeut des logiciels libres destinés à l’éducation exprime sa déception.
Que pensez-vous de ce type d’accord ?
Je suis troublé par le manque de clarté du discours public, émanant du ministère de l’...ducation nationale mais pas uniquement, qui dit tout et son contraire. Le discours de Michel Sapin [ministre de la fonction publique], au printemps dernier à Sofia Antipolis, qui prônait le développement du libre dans l’administration et dans l’éducation nationale, semblait très en phase avec nos préoccupations. Si vous allez sur le site de Matignon qui renvoie sur le "bouquet du libre" [un index de logiciels libres], vous avez l’impression que le gouvernement est très présent sur le sujet. Mais dans les actes, ce n’est pas le cas. Le rapport Carcenac et son application nous ont, pour l’instant, beaucoup déçu.
Vous attendiez-vous à un geste politique ou à un soutien économique ?
Nous souhaitons que le gouvernement dise clairement que lorsqu’il existe des solutions libres techniquement satisfaisantes, elles doivent être adoptées de préférence.
Les propositions de loi sur le libre ou les standards ouverts, déposées l’an dernier par différents députés, mettaient surtout en avant la sécurité de l’Etat. Est-ce valable pour l’éducation ?
La question n’est pas tout à fait la même, même si les établissements scolaires sont amenés à échanger des données confidentielles. Mais pour nous, c’est une question de principe républicain. Disposer des sources et faire profiter la communauté des adaptations de chacun semble participer de ce principe. Or, nous considérons que les accords qui promeuvent l’utilisation de logiciels propriétaires dans l’éducation nationale tendent à faire de l’éducation une marchandise. Pour certains, il semble aujourd’hui acquis que les outils pédagogiques doivent émanés du secteur marchand. Pour nous, c’est tout sauf une évidence.
Libre ne veut pas forcément dire non marchand. La formation peut être facturée...
Oui, mais le logiciel en lui-même est non marchand. Et, par ailleurs, il semblerait logique que l’...tat, lorsqu’il utilise nos impôts pour subventionner la recherche en logiciel, pousse des projets qui resteront librement utilisables et modifiables par tous.
Quels sont les arguments des pouvoirs publics avec qui vous dialoguez ?
Nous arrivons à nouer des conventions avec les collectivités territoriales. Mais au niveau national, il y a un problème de volonté. En dehors de certains conseillers ministériels, qui ont promu le libre, nous avons l’impression que les cabinets ne comprennent pas ce que nous faisons. Que certains préfèrent le schéma classique qui consiste à avoir un seul interlocuteur bien identifié. Sachant qu’on reprochera toujours moins à quelqu’un d’avoir opté pour un logiciel de Microsoft qui pose problème que s’il a choisi du libre.