Un délégué syndical risque de se voir licencier pour faute grave parce qu’il a copié sur un cédérom des fichiers de son entreprise.
Jean-Marc travaille depuis plus de cinq ans comme consultant dans un important groupe français de conseil en informatique et en haute technologie. Une entreprise de 6000 personnes. Mais Jean-Marc est aussi délégué syndical CGT depuis un an et c’est aujourd’hui ce qui lui attire des ennuis. En effet, sa direction lui reproche d’avoir copié sur 3 cédéroms des fichiers informatiques de l’entreprise. Mis à pied (sans versement de salaire) depuis le 3 août, l’employé risque un licenciement pour faute grave. À première vue l’homme semble avoir été pris en faute...À un détail près : les copies ont été réalisées dans le cadre de son activité syndicale et en toute transparence vis-à-vis de la direction.
La copie de fichier comme moyen de preuve
L’histoire débute le 12 juillet, lorsque le directeur d’agence de Jean-Marc se voit signifier son prochain licenciement à la veille de son départ en vacances. Le directeur est accusé de mauvaise gestion par la direction générale, ce qu’il conteste. Peu après, l’homme reçoit un recommandé fixant la date de son entretien préalable de licenciement au 30 juillet. En congé lors de la réception de la lettre, il n’a pas le temps de constituer sa défense en vue de l’entretien. Il téléphone donc à Jean-Marc pour lui demander de l’aider. Mission : sauvegarder les données de l’agence et le contenu de sa messagerie électronique personnelle, afin de prouver l’absence de faute professionnelle. C’est à ce moment que l ?histoire se complique pour le délégué syndical.
Le 27 juillet, Jean-Marc demande au stagiaire, alors en charge du local informatique, de graver sur cédérom un certain nombre de données. « Le stagiaire avait déjà gravé trois CD mais n’avait pas eu le temps de finir le quatrième. On était vendredi soir, il partait en week-end. Il m ?a donc demandé de finir le travail en me laissant les clés du local. Le temps de la copie, je suis retourné à mon bureau plusieurs fois, sans cacher ce que je faisais. Quelques minutes plus tard alors que je terminais le dernier CD, j’ai vu débouler le directeur général qui m’a ordonné de sortir du local » explique Jean-Marc. La suite est sans surprise. Jean-Marc est mis à pied et reçoit peu après une lettre lui annonçant une procédure de licenciement pour faute grave. La société y a mis les moyens. Elle a fait appel à un huissier et à un « expert informatique indépendant » pour déterminer l’ensemble des contenus copiés.
L’accès au local informatique, interdit ou non ?
Les fautes de Jean-Marc selon la direction sont d’avoir accédé au local informatique pour copier des données confidentielles et avoir voulu les sortir de l’entreprise. Seulement voilà, le contexte n’est pas aussi simple. En effet, aucun règlement intérieur n’interdit l’accès au local informatique, les données copiées ne sont pas sorties de l’entreprise mais ont été placées en lieu sûr par le délégué au sein-même de l’entreprise.
Comme le fait remarquer Denis Gouin, un membre actif de la CGT dans le domaine des nouvelles technologies, « La direction est en capacité de faire venir un huissier et un expert informatique alors que des règles de bonne conduite seraient quand même plus simples à mettre en place. Malheureusement, ce genre de dossier est de plus en plus courant, et la mauvaise santé du secteur va amplifier ce phénomène ».
Quel reproche recevable reste-t-il alors contre le délégué ? Sans doute le simple fait d’avoir extrait et copié des fichiers qui peut constituer, dans certain cas, une infraction. Mais pour la défense de Jean-Marc cette copie là a été réalisée, il ne faut pas l’oublier, sur la demande du directeur d’agence et dans le cadre d’une fonction syndicale de représentation d’un salarié. Au final, le directeur d’agence est parvenu à obtenir un départ négocié de l’entreprise. Et bien qu’il défende aujourd’hui Jean-Marc, la faute retombe maintenant sur ce dernier...Mais peut-être plus pour longtemps. En effet, alertée par Jean-Marc, la fédération CGT a commencé à préparer sa défense. Tant et si bien, que la direction commence même à regretter son offensive. Contacté par Transfert, le directeur général de la société n’a pas voulu épiloguer sur cette affaire. Il a toutefois évoqué le fait que, bien que la procédure de licenciement ait obtenu l’accord du comité d’entreprise, la direction n’était pas encore sûre d’aller jusqu’au licenciement... Tout ça pour ça ?