Après avoir fricoté avec le milieu du porno, Luke Ford, devenu journaliste, publie sur son site des enquêtes sur le X. Et renie, sans ménagement, ce milieu qui la rendu célèbre.
Chez Luke Ford, les livres sont toujours posés à l’envers. Il y veille avec le plus grand soin, même si la piécette qui lui sert de bureau, non loin de Beverly Hills, est un capharnaüm jonché de revues (il est abonné à Adult Video News), de sacs plastiques (il n’a pas de frigo pour ses courses), de vêtements (c’est un célibataire). La raison ? Ces livres parlent de cul et Luke Ford, cet étrange journaliste que l’on surnomme le « Matt Drudge du X » (1), ne veut pas que cela se sache. Il sourit gentiment aux gosses du quartier qui collent leur nez à la baie vitrée. Avec sa jolie gueule bronzée, ses yeux quasi-phosphorescents et sa kippa, on lui donnerait le bon dieu sans confession.
Pourtant, avant de se convertir au judaïsme et de prier quotidiennement à la synagogue, Luke Ford a produit et dirigé un film X. C’était il y a six ans. « J’étais jeune et inconscient », élude-t-il un moment, sans résister à la tentation de se faire mousser un peu : « Lorsque vous êtes un acteur minable, ça vous donne tout d’un coup un pouvoir énorme. » Sur les tournages, on se fait offrir une fellation par une starlette du porno tout en donnant des instructions aux acteurs. C’est ça le glamour de la San Fernando Valley. Ce lieu de perdition se trouve justement une colline derrière Hollywood. Les jours sans brume, on en aperçoit le relief depuis le jardinet du pornographe.
Menaces
suivies d’effets
Aujourd’hui, le déluré entretient son dégoût paradoxal de cette industrie en publiant sur son site web le résultat de ses enquêtes sur le milieu du X. « Je voulais me faire un nom. J’avais trouvé cette niche complètement négligée par les autres journalistes, et je voulais en faire un livre. Pour organiser mes milliers de notes, j’ai acheté un vrai ordinateur, en 1997, et je les ai postées sur le Web. Les journaux ont commencé à me contacter pour que je leur écrive des articles. » Immédiatement, le journaliste en herbe aborde les sujets qui fâchent : le sida et la drogue chez les acteurs, l’influence de la mafia... Racontars, disent certains. « La plupart du temps, je ne fais que ressortir des affaires qui sont publiques, mais qui n’ont pas reçu de publicité », se défend Luke Ford.
C’est un job à grand suspense. Un sourire vicelard aux lèvres, le paria glisse dans le magnéto une cassette enregistrée sur son répondeur. « Unscrupulous... dishonest », crachote d’abord une grosse voix d’homme, qui se défend d’être « heroin addict ». ça se termine par d’inévitables « fucking » problèmes à l’horizon pour le plumitif. ...videmment, concède Luke Ford, qui s’est déjà fait écraser la figure sur un lampadaire par le même bonhomme, il vaut mieux revenir sur ses affirmations que de « finir à l’hôpital ». Et c’est ce qu’il fait.
Un conservateur de
la pire espèce
Luke Ford ne veut pas d’ennui. De toute façon, il n’aspire qu’à prendre femme pour fonder une famille pieuse. Croyez-le, ce sera un Père majuscule : « Je considère qu’aucune société ne peut survivre si elle n’affirme pas ses valeurs, ses tabous sexuels. Les mariages homosexuels devraient être interdits. La pornographie et la masturbation aussi. » Selon lui, l’industrie qui vaut 2 milliards de dollars a d’ailleurs du souci à se faire depuis l’élection de Bush junior. Après les « faibles standards moraux » de l’ère Clinton, le président conservateur va tenter de réprimer le X comme son papa autrefois. Et la civilisation occidentale renaîtra... Mais le petit Luke, qui doit sa célébrité au cul, pourra-t-il combler ce trou noir béant qu’est son insatiable ego ?
(1) Auteur d’un site colportant les rumeurs, Matt Drudge est le premier « journaliste » a avoir parlé de l’affaire Lewinsky.