Qui a peur du vilain Code Rouge ? Tout le monde et personne. Pourtant il y a de vraies raisons d’avoir peur. Et de vraies raisons de se moquer des analyses trop alarmantes...
Pour une étrange raison, l’attention des internautes s’est focalisée sur les effets que le fameux ver Code rouge pourrait avoir sur la bande passante. À cause de ses attaques systématiques visant à infecter des milliers de serveurs, ne risquait-on pas de voir s’écrouler des pans entiers du Net. Au lendemain du deuxième réveil de la bestiole début août (elle relance ses attaques chaque début de mois), les commentateurs avisés se félicitaient : "Finalement, plus de peur que de mal, Code Rouge n’a pas pesé sur le débit du réseau." Même contentement béat après l’apparition, ce week-end, d’un nouveau ver exploitant la même vulnérabilité des serveurs Web IIS. Encore une fois, on a échappé à un supposé engorgement du Net. Mais pourquoi cette crainte ? Le Net ne sature pas. Pas comme ça en tout cas. Tout le monde (les techniciens, en tout cas) se fout de savoir si un bout du Net va être ralenti pendant deux heures. Mais avec cette focalisation de l’attention, tout le monde oublie le principal. Les serveurs qui peuvent être infectés par Code Rouge sont des serveurs facilement piratables (on trouvera le nouveau Code Rouge (il s’agit d’un ver totalement nouveau, pas d’une mutation) installe deux portes dérobées qui peuvent être exploitées par n’importe quel pirate du dimanche. Plus question de prévenir l’administrateur distrait que sa machine a été "hackée par les chinois" en remplaçant sa page d’accueil. Le piratage est réalisé en mode furtif. Ou presque. La contamination arrive par le même port de communication qu’une banale requête du navigateur d’un internaute lambda. Or, qui lit les logs d’un serveur web ? Personne. Il n’y a donc pas beaucoup de moyens de se rendre compte de l’infection. Voilà donc quelques centaines de milliers de sites sur lesquels ont été installés des backdoors. Et tout le monde s’en fout. L’important, n’est-ce pas, c’est que le Net ne se soit pas en rade sous l’effet d’un déni de service généré par les scans massifs de Code Rouge.
Et le reste madame la marquise ?
Code Rouge regroupe tous les ingrédients susceptibles de produire une énorme médiatisation (sans doute un peu usurpée). Il s’attaque à un produit assez répandu (IIS) réalisé par une marque controversée (Microsoft). Il se propage très vite. Il porte une signature (chinoise) qui, même si elle est probablement fausse, fait voir rouge aux autorités américaines. Pourtant, IIS n’est pas le serveur le plus courant sur le Net. Apache tient le haut du podium. De plus, des trucs bien pires que Code Rouge sont utilisés tous les jours sans que personne n’en fasse un fromage. Comme des backdoors tellement sophistiquées qu’elles sont indétectables. De même, les outils existent pour rayer de la cybercarte des pans entiers du Net. Mais ceux-ci ne sont pas utilisés. Le sage dit : "Si le chasseur brûle le bois, il n’aura plus rien à chasser." Le sage illuminé dit pour sa part : "Il est prudent de ne pas énerver celui qui tient la torche près du bûcher sur lequel tu es ligoté."