L’apocalypse, programmée pour le 1er août, n’a pas eu lieu. Ceci dit, le ver coquin a fait couler beaucoup d’encre. Décryptage...
Ca-té-go-ri-ques ! Les Chinois, relayés par l’AFP, sont catégoriques : "Code Rouge, ce n’est pas nous." Vous en doutiez ? Le fait que certains sites infectés par le ver affichent, en page d’accueil, "hacked by chinese", semblait indiquer le contraire ? Et bien, en fait, les "experts", cités par le bureau de l’Agence France Presse à Pékin, ne laissent aucune place au doute : ce n’est pas le cas et c’était tout simplement impossible. Pourquoi ? Ah, ça... Un expert a ceci de particulier qu’il n’a pas besoin d’expliquer sur quoi il fonde sa conviction. Autre spécificité, il est systématiquement interrogé et cité sans aucun recul lorsqu’un journaliste ne sait pas quoi raconter sur un sujet. Le ver Code Rouge, comme les virus ou les pirates fascine. Alors, au lendemain du réveil (programmé mais raté) de la bestiole, tous les fameux "experts" se déchaînent.
Le milliard, le milliard !!!
On apprend ainsi de la bouche de Michael Erbschloe, vice-président de Computer Economics, que Code Rouge a déjà coûté 1,2 milliard de dollars. Pourquoi virgule deux ? Parce que, en dessous, ça fait chiche. Le milliard sinon rien ! Quant au nombre de serveurs qui sont en péril, Erbschloe l’estime à 6 millions. Mazette. En fait, Computer Economics, que Reuters présente comme une société d’études indépendante, s’est déjà fait remarquer par l’exagération monumentale de son chiffrage pour les coûts des virus Melissa et I love you. Cette entreprise avait réussi à intoxiquer toute la presse de San Francisco à Paris, en annonçant des montants astronomiques (au-delà du milliard bien entendu). L’affaire avait été éventée après enquête de Laurent Mauriac, journaliste à Libération. Le gouvernement américain continue pour sa part de s’autoféliciter : "Cette après-midi, nous en avons reçu l’assurance, de la part de toutes les agences gouvernementales et du département de la Défense : ils ont patché tous leurs serveurs contre Code Rouge", a précisé Sallie McDonald, du General Services Administration. Ce n’est pas pour décourager Sallie Mc Donald, mais parmi les sites gouvernementaux américains toujours vulnérables, mercredi, on compte notamment www.technology-taskforce.gov. Du côté des militaires, le site qui centralise toutes les normes, spécifications et standards de l’armée (www.dodssp.daps.mil) demeure également faillible. Ceci dit, le fait que Code Rouge ait infecté ou non des serveurs n’a pas grand intérêt. Ce qui importe, c’est qu’un pirate, en exploitant le bug de Code Rouge puisse administrer à distance le serveur. Et donc, en modifier le contenu. Changer les normes militaires... Un vieux rêve antimilitariste désormais accessible grâce à Internet.
Des textes pour punir les clients
Mais la palme de l’hypocrisie revient, sans doute, à la Federal Trade Commission (FTC) qui, dans la même journée, affirmait vouloir sanctionner les administrateurs systèmes qui n’agissent pas suffisamment vite contre les grands méchants vers et laissent se propager Code Rouge et ses congénères. La FTC propose même un texte qui viserait à imposer aux entreprises du secteur financier, sous son contrôle, de protéger leurs réseaux. En clair, tu as patché, ça va ; mais si tu n’as rien fait, tu es coupable et tu seras puni. La démarche va, certes, dans le bon sens puisqu’elle responsabilise enfin les entreprises, mais elle omet de s’intéresser à l’un des principaux responsables : le vendeur de logiciels ou de solutions clef en mains. Imaginez qu’un constructeur de voitures commercialise un véhicule avec des freins défaillants et ne fasse rien pour améliorer la situation. Qui songerait à accuser le conducteur de ne pas avoir fait le nécessaire pour éviter de s’exploser contre un mur ? Et, pourtant, personne ne songe encore à forcer Microsoft à livrer un serveur web non vulnérable à des buffer overflows (débordement de pile), un truc utilisé par tous les hackers pour trouver des bugs à deux francs depuis des années ? Il serait temps, pourtant. De même, personne ne contraint les SSII ou les Web agencies à livrer des sites web correctement installés, alors qu’elles pratiquent souvent des prix exorbitants. Il serait temps. Pourtant...