À la tête d’une société de production de programmes interactifs pour la télévision, Daniel Kapelian ne désespère pas du marché de la diffusion de contenus internet.
Faillite de nouvo.com, changement de cible de Clicvision, incertitudes sur l’avenir de Canalweb… Les webtélés sont-elles vouées à la disparition ?
Tant qu’il n’y aura pas de haut débit généralisé et de modèle économique associé, les webtélés ne marcheront pas. Cela dit, les tâtonnements et les plantages sont inévitables, car c’est une industrie nouvelle. L’économie de la télé elle-même ne s’est pas mise en place en un jour. Sur le Web, il coûte très cher de monter une équipe, d’investir dans l’infrastructure, alors qu’il n’y a toujours pas de perspectives de revenus directs. Les modèles de financement des webtélés, imaginés il y a déjà deux ans, n’ont pas rempli leurs promesses. Il est donc temps de trouver d’autres recettes, comme l’abonnement ou l’accès forfaitaire à des catalogues de films. Mais pour cela, il faudrait d’abord résoudre le problème de l’accès à haut débit.
Mais le haut débit se diffuse plus lentement que prévu. Les pionniers vont-ils mourir ?
Je vais reprendre les propos d’un dirigeant d’EMI, la maison de disques, lors du MidemNet. Internet, c’est comme les films de Scorsese. Des parrains ont prêté de l’argent aux start-ups pour investir pendant trois ans. Maintenant, ils leur mettent le flingue sur la tempe et ils ordonnent : « Fuck you pay me. » Les boîtes qui ne seront pas rentables avant la fin de l’année seront mortes. J’espère seulement que certains acteurs de la première vague de la webtélé tiendront jusqu’à ce qu’on invente un modèle économique.
Vous êtes en ce moment au MIP-TV, à Cannes, la grande foire où l’on achète les programmes pour la télévision. La télévision est-elle capable de sauver les contenus internet ?
Les boîtes Internet ne sont pas très présentes ici, à l’exception de deux sociétés. Atomfilms, après sa récente fusion avec Shockwave, a désormais un atout stratégique en matière technologique. Il y a aussi Hypnotic, qui fait de l’acquisition de films sur Internet et qui est adossé à Vivendi. Sinon, on parle surtout de télévision interactive. Maintenant, dire si la télé va sauver le Net... Il faut savoir que même la télévision interactive n’est pas très adaptée à l’interactivité Internet : le public est plus large et, en général, moins rompu à l’interactivité... La télé, ça marchera surtout pour recycler les fictions linéaires ou à interactivité limitée. Je crois plutôt aux solutions multi plates-formes. À 121 Prod, on travaille sur des projets qu’on formate différemment selon les supports. D’ailleurs, on ne les décline que s’il y a une raison de le faire, une migration d’audience.
Propos recueillis par Solveig Godeluck