Dis-moi qui tu es...
Transfert publie, chaque mois, une des chroniques de Esther Dyson, également reproduite dans le New York Times. Sa lettre d’information est une référence pour tous les acteurs de la nouvelle économie.
Il y a deux mois, alors que je cherchais un thème pour ma conférence annuelle du PC Forum, j’ai trouvé cette idée : « Définissez-vous ».
Après toute cette déferlante high-tech de l’année dernière, il m’a semblé qu’il était temps pour les utilisateurs et les entreprises du Net de réfléchir plus clairement à ce qu’ils étaient et à ce qu’ils essayaient d’être.
Les entreprises ont besoin de savoir qui sont leurs clients. Les clients veulent savoir ce qu’ils achètent, et selon quelles modalités.
Plus de transparence
En discutant avec les futurs intervenants du PC Forum, il apparaît que ce concept est très large et concerne beaucoup de monde. Les gens veulent plus de clarté, que ce soit sur l’infrastructure technologique, ou sur les règlements des compagnies aériennes. Ils veulent savoir ce que vous offrez maintenant, pas ce que vous pourrez offrir plus tard.
Comme la plupart des gens qui sont sur Internet ne se connaissent pas, ils veulent plus de transparence. Ils veulent savoir avec qui ils travaillent, à qui ils donnent leur argent et à qui ils fournissent des informations, et veulent connaître les règles du jeu. C’est vrai que les clients sont favorisés sur Internet car ils peuvent facilement comparer les prix ; ils peuvent aisément passer d’un site à l’autre. Mais ils en veulent plus encore. Les entreprises qui croient que tout ce qu’elles ont à faire, c’est de baisser leurs prix, manquent l’essentiel. Des sites comme BirdDog vous aident à récupérer votre argent si votre livraison est en retard, mais les clients ne veulent pas seulement des remboursements : ils veulent des promesses en lesquelles croire.
La clarté est plus qu’un problème d’identité. La clarté, c’est savoir comment fonctionne le système.
Pensez aux compagnies aériennes. Nous devrions tous être très heureux de la dérégulation : les prix ont énormément baissé, et le trafic aérien dans son ensemble est en fort développement. Pourtant, le service est catastrophique et le secteur, en crise. Les consommateurs sont mécontents. Ainsi, le site Priceline affronte des critiques, essentiellement parce que ses clients ne comprennent pas le contrat qu’ils passent quand ils réservent une chambre d’hôtel ou un siège d’avion : le prix bas se paie par moins de souplesse et de services. Priceline travaille pour rendre son offre plus explicite. Je pense que leurs clients seraient beaucoup plus satisfaits si, sans même changer leurs prix, ils expliquaient plus clairement les termes du contrat.
Une nouvelle agence de voyage en ligne, Orbitz (dont je suis l’un des conseils), ne va pas se concentrer sur les tarifs (qui seront compétitifs) mais sur ce qui touche réellement les voyageurs, tout ce qui permet d’éviter les mauvaises surprises : les vols annulés, les bagages perdus, les règles compliquées de surclassement. À chaque fois que quelque chose ne marche pas normalement, le voyageur est confronté à des problèmes d’hôtels à décommander et réserver à d’autres dates, de voitures de location à changer, de correspondances de vol à réorganiser, etc. Il doit être possible d’inclure tout cela dans un programme informatique qui va tout faire automatiquement, pour le client, si un problème survient. Et le client aura connaissance des options, qui lui seront présentées noir sur blanc. Le titulaire d’un billet non-remboursable aura un choix limité, mais celui d’un billet de première classe pourra prendre le prochain avion, sur n’importe quelle compagnie aérienne. Une chose est certaine : la transparence renforcera la confiance des gens. Le comportement actuel, opaque, des compagnies aériennes conforte les clients dans le sentiment qu’ils sont maltraités. Ebay, à l’opposé, a des clients satisfaits car son mode de fonctionnement est généralement clair, et les gens savent à qui ils ont affaire. Le système de classement d’eBay, qui permet aux acheteurs et aux vendeurs de se noter les uns les autres, est un élément très important de l’offre, et un réel avantage compétitif.
Plombier virtuel
Une jeune société, soutenue notamment par Disney, veut proposer des jeux en ligne avec des règles claires. Le jeu dépend des capacités du joueur. Il peut donc se passer des règlements qui sont obligatoires pour les jeux de hasard. Mais cette entreprise considère qu’il est très important de créer un environnement de confiance, et elle a dépensé des millions de dollars pour définir des règles : combien vous pouvez dépenser par mois, quel sera le montant maximum de vos gains, et même des possibilités de rejouer en cas de contestation. L’idée est de convaincre les gens qu’ils sont dans un espace intègre, honnête, et non dans un tripot. Bien sûr, si vous préférez l’ambiance d’une salle de jeu un peu louche, ce n’est pas un problème, et il y a sûrement des sites pour cela ! Ils coûtent sans doute moins cher, mais seront certainement moins transparents quant aux gains distribués...
Enfin, les gens ont besoin de transparence à cause de la taille de l’Internet. Vivek Ranadive, directeur général de Tibco, l’un des leaders de la « plomberie virtuelle » (infrastructure logicielle) de l’Internet, note que les systèmes informatiques doivent être plus clairs. « Il faut présenter tout cela d’une façon compréhensible aux programmeurs, mais aussi aux juristes, régulateurs, auditeurs, et même aux consommateurs qui pourraient vouloir savoir de quoi il s’agit. Il doit y avoir une méthode simple de trouver un moyen terme entre le code et les règles de business. Cela rendra les systèmes plus faciles à développer, et aussi plus aisés à comprendre et modifier. »
Les règles et les outils qui amélioreront la transparence sont une tentative pour rendre un peu plus simple le monde glissant de l’Internet. Pour le transformer en cette collection de villages globaux que certains nous ont promis voici longtemps.
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