Les webtélés de dessins animés se multiplient en France. Détails des stratégies et des visées de deux nouvelles venues, Visiodrome et Toons-Up.
Viper Jane, Visioman, Grand Master Cash : ces noms, encore peu connus, sont ceux des présentateurs-vedettes du Visiodrome, nouvelle webtélé, toute en animation, lancée le 16 janvier 2001. « Un espace surprenant, irrévérencieux, politiquement incorrect ; bref différent », fanfaronne, dans son premier édito, Viper Jane, vamp de service et journaliste virtuelle de Peep-Hole - le magazine people de la station. « Une véritable web-TV animée, insolente et non consensuelle », ajoute le bien réel Laurent Tricart, responsable de la programmation. Ce Lillois trentenaire croit dur comme fer au nouveau concept. Il a pourtant ses handicaps. La prise de vues est souvent trop statique et l’image, régulièrement trop floue. Rien à dire, en revanche, sur l’animation proprement dite qui, grâce au logiciel Flash, conjugue simplicité et faible coût. C’est Œil Pour Œil production, via sa filiale Webcaster, qui fournit les programmes : « Ce n’est ni une vitrine, ni un espace de défoulement créatif, mais une véritable chaîne avec son identité, ses séries, ses émissions et ses animateurs », explique Laurent Tricart, qui travaille à plein temps sur le projet, aidé de trois autres membres d’Œil Pour Œil. Le site est un joyeux melting-pot de références, depuis les comics de Robert Crumb jusqu’aux dessins animés façon South Park ou Beavis and Butthead, sans oublier « le mauvais goût de qualité » des cinéastes façon John Waters ou Russ Meyer. « L’objectif ? Fidéliser une communauté de vrais internautes, jeunes adultes, curieux, amateurs de sites décalés et underground », poursuit Tricart. Avec l’idée d’en faire des abonnés, pour 20 ou 30 francs par mois, dès septembre 2001. Selon lui, les premiers retours sont « encourageants », avec 800 à 1 000 connexions par jour. « On nous demande déjà les dates de diffusion des prochains épisodes, surtout ceux de Murder et Scotty, notre pastiche des X-Files. L’effet de personnalisation marche bien. Nous avons tout de suite réussi à créer un lien : un internaute a demandé un rendez-vous avec Viper Jane ! » Au Visiodrome, on espère accrocher encore une dizaine de milliers d’accros du Web, pour le début 2002. Ensuite, il suffira qu’ils demeurent sensibles à l’atmosphère post-psychédélique de ce site où Visioman, le présentateur de programmes, est le dernier avatar en date de Bioman et où Grand Master Cash offre la version Shaft d’un Pierre Bellemarre de téléachat.
Sur Toons-Up, chaîne d’animation de TV-Up, « la télévision hyperactive », la démarche, les objectifs tout comme l’univers sont très différents. Ces Marseillais, parmi lesquels sept auteurs-dessinateurs issus principalement de la BD, visent plus large : « Des internautes de 12 à 77 ans à l’esprit ouvert, et peut-être, très prochainement, des enfants, dit Pierre de Suzzoni, le directeur artistique. Chaque créateur apporte sa personnalité et son univers ; il n’y a pas de références culturelles marquées. » Toons-Up, lancée en février 2001, espère vendre des séries aux chaînes de télévision traditionnelles. « Nous pourrons ainsi financer les productions et le site, que nous n’envisageons pas de rendre payant. » Côté habillage, rien de spectaculaire : ni présentateur virtuel, ni speakerine 3D, mais le décor amusant d’un studio télé et un menu défilant où l’on sélectionne son programme. Le concept rappelle des expériences déjà en ligne outre-Atlantique, notamment Wildbrain ou Bullseyeart avec ses animations décalées, comme l’hilarante saga Porno Pony.
Quelles que soient leurs différences, les responsables des sites se retrouvent sur un point : « Grâce à la souplesse du logiciel Flash, aux progrès de la compression et à la liberté de ton d’Internet, nous pouvons proposer des animations que la télévision refuse de diffuser », explique Laurent Tricart. Sentiment confirmé par Pierre de Suzzoni pour qui « le Web permet de programmer des séries qu’aucun grand média n’offrira à son public ». Reste à savoir si ces projets peuvent être économiquement viables. Pour s’épanouir, qu’elles visent le grand public ou une cible restreinte, ces plates-formes attendent beaucoup du merchandising et de l’e-commerce. « Nous allons programmer bientôt un festival de reggae, dit Laurent Tricart. Nous voudrions, en même temps, vendre en ligne des voyages pour le carnaval de Notting Hill, à Londres. »