Recycler un silo à grain géant en instrument de musique pilotable par Internet : il n’y a que des Québécois pour faire ça.
8 juin 2000, sur le vieux port de Montréal. Emmené par [The User], duo créatif composé d’un architecte et d’un musicien trentenaires, tout un collectif de passionnés, flanqué de sponsors, lance le projet Silophone : le silo à grain n°5 va devenir, l’espace d’une année, un improbable tuba. Un kaléidoscope auditif téléguidé, dont les instrumentistes seront les internautes et les utilisateurs du téléphone. Thomas McIntosh et Emmanuel Madan ont placé des micros et des hauts-parleurs dans plusieurs cylindres de ce silo, construit en 1958 et mis à la retraite en 1996, à la suite des métamorphoses du commerce mondial des céréales. Depuis sa cessation d’activité, le gigantesque grenier était resté vide et fermé au public.
Pourtant, le silo à grain n°5 n’est pas n’importe quel bâtiment industriel : classé monument historique, qualifié par Le Corbusier de chef-d’œuvre de l’architecture moderne. Hauts de 30 mètres et larges de 8, ses 115 tubes géants occupent la longueur de deux terrains de football. Ils évoquent d’extraordinaires grandes orgues de béton armé - et sont, de fait, de formidables chambres d’écho, où le temps de réverbération d’un son peut atteindre 20 secondes. Ainsi, tout signal sonore ricochant contre leurs courbes de béton subit une métamorphose radicale. Pour le duo de [The User], il fallait donc ouvrir « l’euphonisation », l’embellissement acoustique des sons engendré par la structure géante au plus vaste public possible : au-delà de la ville et du pays. Pari tenu. Aujourd’hui, plus de 2 500 séquences sonores différentes, bruits, paroles et musiques, adressés par des internautes du monde entier et réinterprétés par le silo, sont consultables sur son site. L’air siffloté, le poème déclamé dans un combiné téléphonique, revient 40 secondes plus tard à l’oreille de l’envoyeur, parfaitement transformé. Un mélange inouï de bruits de sonar, de chants de baleine et d’échos de cathédrale.
Si l’Internet permet de télécommander l’instrument, les vertus de l’interactivité s’arrêtent malheureusement là. Impossible, par exemple, d’assister, depuis son écran, aux concerts donnés par divers artistes depuis la mise en place du projet. Ni de naviguer au gré de ces expositions organisées, dans la ville de Montréal, pour accompagner son développement. Mais, en juillet 2001, sortira un CD regroupant certaines performances musicales de l’année écoulée et des échantillons sonores envoyés par les internautes. Ramené à la vie, le vestige architectural aura fait naître, au sens propre du terme, une vraie musique post-industrielle.
Faites de la musique au Silophone :
Sur Internet : www.silophone.net
Par téléphone : 1-877-511-Silo ou (514) 844-5555 à Montréal.