Avec la dernière version du navigateur, on frise l’overdose : bugs, lenteur, voracité en mémoire... Mais ça fait mal au cœur de s’en séparer.
Adieu Netscape, je t’aimais tant. Ça a été un peu dur de te balancer, toi, ton appli, tes préférences, ton alias et surtout ta légende « non profit » d’origine. Tout ça à la poubelle. Désolé, mais il le fallait. Ta toute nouvelle version 6.0 est décidément trop nulle. Pour un Mac en tout cas. Le chargement du logiciel de navigation dure des plombes, même si un cliché sépia de pilote de zinc 14-18 s’affiche pour faire patienter l’internaute. Le « glisser-déposer » des images ne marche pas, la barre des signets personnels est buggée et la voracité en mémoire vive - jusqu’à 65 Mo - est limite obscène... Le tout pour pas grand chose, sauf des habillages verdâtres cosmétiques... À tel point que, sur les forums, les spécialistes enragent et conseillent vivement de rester sur la version précédente, la 4.7.
Adieu donc. Je suis passé à Explorer 5. Sans émotion.
Résigné. Comme on achète une valise Samsonite dans un aéroport parce que ses roulettes tournent et que la clef ne se tord pas dans la serrure. C’en est donc fini de
l’aventure des navigateurs surfeurs - un rien Docteur Bombard -, qui quittaient Mosaic pour le timon puis le brumeux phare des Netscapiens. Les Netscapiens ?
Des pionniers inventifs, bricoleurs, de culture associative, qui mirent au point l’essentiel des outils de cabotage que Microsoft copia-colla une fois
de plus. Sans autre génie qu’une standardisation efficace. Fiable...
Le flipper bulgare
a encore tilté
Ce qui est bluffant dans le flop Netscape 6.0, c’est que c’est précisément depuis le rachat de la marque par AOL que l’inventivité est en panne. Le ficelage de la nouvelle mouture avait été retardé des mois durant. La version bêta tiltait comme un flipper bulgare... L’invention de systèmes complexes ne fait décidément pas bon ménage avec le management centralisé des grosses firmes. Je ne sais plus quel ponte californien remarquait que, si le projet Linux avait été programmé par une multinationale du software, c’eut été la guerre civile dans les équipes. Insupportable, le code source ouvert à tous vents. Ingérable, l’autonomie des savants Cosinus...
Et pourtant, Linux prospère. Marque des points dans la guerre des systèmes d’exploitation. Côté navigateurs, en revanche, c’est la concentration qui l’emporte, le logiciel quasi unique. Du coup, l’un des seuls trucs originaux de Netscape 6.0, la gestion individualisée des cookies, risque de rester en jachère. Dommage. Il n’y aura pas dans les mois à venir de nouvelle solution pour prévenir le flicage et la mise en fichiers des profils d’utilisateurs... Adieu Netscape 1, 2, 3, 4...
*Guillaume Malaurie est rédacteur en chef au
Nouvel Observateur
gmalaurie@yahoo.fr