Le débat sur la gratuité est lancé. Et il mérite vraiment qu’on s’y arrête
car ce qui est gratuit est parfois très cher.
Revenons aux origines d’Internet. À l’époque, des universitaires qui
publiaient gratuitement sur le Réseau. Tout le monde (soit, en ce temps-là,
peu de monde) était content. Et cette marque, le gratuit, est restée comme la pierre
fondatrice d’Internet. Peu à peu, des amateurs (au sens noble) ont envahi
le Réseau pour apporter leur contribution à l’édifice. Tout le monde peut,
gratuitement, profiter de leur travail, de leur passion. Même si rien, en fait, n’est vraiment gratuit.
Qui payait les universitaires ? Vous, moi, l’...tat. Ou, pour les chercheurs
du privé, des entreprises qui répercutent ces budgets sur le prix de vente
des produits. Pourquoi les universitaires publiaient-ils en ligne ? Pour se
faire connaître autant que pour partager leurs connaissances. La
reconnaissance par leurs pairs est très importante : c’est ainsi qu’ils
peuvent obtenir de meilleurs postes, de nouveaux budgets de recherche, etc.
Pour les chercheurs du privé, l’équation était la même : recherche de
reconnaissance, pour eux ou leur travail. Si l’accès à leur publication se
faisait sans bourse délier, il n’y avait parfois rien de gratuit dans l’acte de diffuser l’info.
Pour les "amateurs", il y a aussi un désir profond de communiquer, mais
aussi, chez beaucoup, de se mettre en valeur d’une façon ou une autre.
Sentiment hautement respectable mais qui ne correspond pas, dans la plupart
des cas, à un pur acte gratuit.
Revenons à 2001. Pourquoi imaginer un mode de rémunération, quel qu’il
soit, pour l’information ? Je répondrais par une autre question : quelle
est la valeur qui, aujourd’hui, a réellement de l’importance ? Le temps.
Notre temps. Le votre, le mien. Nous courrons tous derrière le temps. Et
Internet, justement, peut nous permettre d’en gagner un peu. Les sites
d’information professionnels affichent clairement la couleur : ce qu’ils
cherchent, c’est à gagner leur vie. Pouvoir payer les salaires, le loyer,
les charges. Et leur argument, pour les plus professionnels d’entre eux, c’est
qu’ils vont nous faire gagner du temps.
Pour rechercher une info, vous avez deux solutions : vous pouvez vous
lancer dans le grand bassin du Net, y passer du temps, beaucoup de temps, à surfer.
Et si vous savez y faire, il y a de grandes chances que vous trouviez l’info
sans bourse délier. Mais vous pouvez, aussi, vous rendre sur un site
professionnel qui, pour vous, aura vérifié, validé, certifié l’info par une enquête.
C’est une autre démarche, qui vous fait gagner des heures. Et cela a un
prix. Faisons le calcul. Si vous gagnez 10 000 francs net par mois, une heure de travail vaut (sur une base 35 heures hebdomadaire) 67 francs net. Si vous passez une heure à chercher une info sur les sites gratuits, cette info vous aura donc coûté 67 francs. Sur
un site payant, vous la trouverez en 10 minutes et elle vous reviendra ainsi
à 21 francs maximum : 10 francs l’article (ce qui serait hors de prix, la
plupart des sites pratiquent des tarifs moins élevés) + 11 francs (10
minutes de votre temps).
Chacun, maintenant, met un prix différent sur une même information. Et tout
le monde n’a pas les mêmes contraintes de temps. Un internaute qui
adore surfer n’acceptera jamais de donner de l’argent à un site pour
quelque chose qu’il peut trouver tout seul, même plus difficilement, en
payant avec des heures de recherche ; un autre, qui considère que gagner du
temps est une priorité, aura, plus souvent, envie de faire confiance à des
journalistes dont c’est le métier. Et qui en vivent, logiquement.
Le merveilleux du Web, c’est que toutes les logiques sont acceptables. Tout
le monde a raison. Mais il ne faut pas l’oublier : tout a, tout de même, un
prix.