Ça y est ! Comme un certain nombre de bienheureux du joystick, je suis en possession de la PlayStation 2. Je vous passe le safari : circonvenir le chef magasinier pour savoir le jour et l’heure d’arrivée hypothétique du lot. Puis la queue, un vendredi aux aubettes... On imagine l’Antonov de Tokyo qui hésite entre Francfort, Amsterdam, Londres et Paris... Passons : je l’ai. Enfin, façon de parler. Disons que j’ai une carcasse. Comme une voiture avec des roues mais seulement une moitié de volant. Pour 3 000 F, c’est vexant. Et surtout, ce n’est jamais écrit dans les innombrables articles que j’ai feuilletés.
...cran vert et ombres chinoises
Premier coup dur : l’avertissement du vendeur. « Euh, si vous utilisez la PS2 comme lecteur DVD, eh bien ça marchera bien sûr, mais l’écran sera tout vert et l’image en ombres chinoises... Sauf si vous achetez le câble PlayStation2... » « Ah ?! Et vous l’avez le câble ? », s’exclame en chœur le cortège des clients. Faut dire que chacun d’entre nous a précisément fait le choix de la PS2 parce que ça lui économise un lecteur DVD à 2 000 F. Réponse experte : « Ben non. »
Second coup de massue. En fait une rafale : pourquoi y’a-t-il au pied de la caisse un tas de périphériques PS2 élémentaires, comme des manettes de jeu ou des télécommandes pour lecteur DVD. Ma voisine de queue s’en inquiète. Sur le ton de la blague :« Il n’y aurait pas, par hasard, qu’une seule manette de jeu dans la boîte ? » « Ben si, répond le préposé en regardant ses deux lacets et ses deux chaussures. Si vous voulez jouer à deux, faut en prendre une autre... » La file des otages s’exécute au cas où l’Antonov ne repasserait pas avant deux mois. « Et la télécommande ? », « Ben, pareil... On peut régler le DVD avec la manette, mais c’est galère, je vous recommande d’en prendre une... » De 2 990 F, la note est brusquement grimpée vers les 3 500 F...
La carte mémoire, c’est makache
Reste à acheter un jeu estampillé PS2 parce que c’est tout de même bêta d’acheter une PS2 sans jeu PS2. Choix limité. Surtout sur le tarif : c’est toujours 399 F. Taxe comprise, je vous rassure. En avant, donc, vers les 4 000 F. Et retour à la maison. Après quelques réglages épiques, je tiens enfin à bout de bras des surfeurs des neiges qui éructent en se filant des pains. Sauf qu’en fin de partie, voilà que la PS2 m’explique à l’écran que je n’ai pas enfilé la carte mémoire dans l’orifice adéquat et que c’est embêtant. Damned ! Je file en bas de chez moi voir si je n’aurais pas balancé dans les ordures la plaquette à 8 mégas. Le nez, les mains, les bras dans les épluchures et les reliefs de gâteau de Noël au caramel chocolatisé, je palpe, j’étale sur le trottoir... Rien. Pas de méga... Je crise un peu. Donc je m’informe. Je vais au kiosque acheter la revue PlayStation2. Je lis tout et en tout petit, dans un coin, et je constate que c’est regrettable mais que la carte mémoire, c’est makache. En option. Encore 300 balles...
En somme, pour 4 300 F, j’ai enfin un videogame qui tourne. Mais c’est bizarre, je la trouve assez moche ma PS2. Alors que sur les pubs, elle était plutôt jolie dressée sur des petits petons bleus. Où qu’ils sont les petons ? Je cherche, je dévisse. Pas de petons. Normal, c’est de l’option. 100 balles de plus. Un prix Sumo, la PayStation2.
Guillaume Malaurie est rédacteur en chef au Nouvel Observateur.