Une piquouze et hop !, des mini robots de quelques millionnièmes de millimètres,
en forme d’hélicoptère ou de sous-marin, vous ramonent les tuyaux. Quelle veine !
Trois équipes de scientifiques - deux américaines, une allemande -, viennent de concevoir, quasi simultanément, des robots minuscules susceptibles de circuler dans le corps humain pour délivrer des médicaments ou éliminer des tumeurs. De minuscules machines, en forme d’« hélicoptères » et de « sous-marins » qui pourraient faire des miracles en médecine... Cela fait penser, bien entendu, au film de Richard Fleischer, Le Voyage fantastique qui, dès 1965, mettait en scène une équipe de savants réduits à la taille d’une bactérie pour aller traiter de l’intérieur une hémorragie cérébrale dont était victime l’un de leurs confrères tchèque. Cependant, on n’imaginait pas encore des micromachines autonomes, capables d’attaquer des tumeurs ou de déboucher des artères, car le concept de nanotechnologies (du préfixe nano-, désignant un ordre de grandeur de 10-9) n’existait ni
dans l’imaginaire des auteurs de science-fiction, ni dans celui des scientifiques. Quelque part entre la fin des années 70
et le début des années 80, les « nanorobots » ont fait une apparition aussi soudaine que spectaculaire pour les uns et les autres. L’Américain Greg Bear n’est pas le premier auteur de science-fiction à avoir mis en scène des micromachines dans un roman, mais c’est, à n’en pas douter, celui qui a poussé le plus loin l’exploration de ce concept, à travers deux livres désormais légendaires : La Musique du sang (Blood music, 1985, éd. La Découverte) et La Reine des anges (Queen of angels, 1990 , éd. Robert Laffont). Ces deux textes consacrent les noces inévitables du biologique et de l’informatique à l’échelle des nanotechnologies. Dans La Musique du sang, il est question d’une nouvelle génération de « biopuces », autrement dit de cellules vivantes traitées pour devenir de véritables petits ordinateurs organiques autonomes chargés d’investir le corps humain pour y traquer caillots et tumeurs... « De petits ingénieurs. Les plus petites machines du monde. Mieux que des BAM (Bio-puces applicables en médecine) ! De petits chirurgiens. En guerre contre des tumeurs. Des ordinateurs à capacités humaines (des ordinateurs ès tumeurs, HA !) de la taille d’une volvox. » (La musique du sang, p. 21). ...videmment, l’expérience tourne mal... sans quoi il n’y aurait pas d’histoire. Ce n’est pas le cas, cependant, dans La Reine des anges, sans doute parce que les nanotechnologies y sont omniprésentes et constituent davantage un élément de décor qu’un sujet d’histoire. L’originalité de ce livre frénétique et violent est de montrer avec quelques décennies d’avance à quel point ces minuscules « hélicoptères » et « sous-marins » bio-mécaniques, mis au point conjointement par des Allemands et des Américains, risquent de se révéler, à plus ou moins long terme, indispensables à notre survie. Une manière, en somme, de dire que notre destin se jouera bientôt à l’échelle 10-9...
* Daniel Riche est rédacteur en chef des revues Fiction, Orbites et Science-fiction.