Zazieweb, c’est l’histoire d’une page perso devenue incontournable pour les amateurs de littérature. Portrait de sa créatrice atypique, Isabelle Aveline, qui a tout plaqué pour le développer.
En septembre 2000, le site Zazieweb d’Isabelle Aveline a quitté ses allures rudimentaires pour se changer en vrai portail : annuaire de la littérature et de l’édition, actus, annonces, quelques bonus technoïdes, et la possibilité pour les « e-lecteurs » de débattre du livre, du Net et des deux ensemble. Ils sont aujourd’hui 3 000 à bénéficier d’un espace où stocker leurs infos, alimenter une dizaine de forums, s’enflammer pour un ouvrage. « La nouvelle formule m’a emballé, témoigne Philippe, bibliothécaire à Melun. J’y collabore par des fiches de lecture, des choix de sites, des infos, choses que je fais dans le cadre de mon travail, mais qui prennent ici la dimension de l’échange. » À 33 ans, avec son allure décontractée et son regard à la fois sombre et rieur, Isabelle Aveline aurait pu être aussi bien libraire de quartier, journaliste ou chef de projet dans la communication.
Ambiance de librairie
de quartier
Son parcours illustre cette constante oscillation. ...tudiante, elle abandonne sa prépa à Normale sup et se fait embaucher à la librairie parisienne des PUF. « Je ne me voyais pas prof. Là, j’avais une bibliothèque géante à portée de main. » Sa première feuille de paie lui laisse un goût bizarre : « Manutentionnaire-réserviste, 5 000 francs... » Elle reprend les études. Licences de lettres et de philo par correspondance. Brevet professionnel de libraire... Mais c’est le journalisme qui l’attire. « Je voulais absolument la carte de presse. » Son rêve se concrétise, après deux ans au mensuel Sciences Humaines. En 1994, la voilà qui s’oriente vers la communication et rejoint l’agence Textuel, où elle sera chef de projet pendant trois ans, pour des budgets institutionnels, RATP ou Elf-Aquitaine. En 1996, nouvelle formation : un Mastère multimédia. Un stage chez Club-Internet lui ouvre les portes du Web. « J’ai pensé que l’on pouvait recréer l’ambiance d’une librairie de quartier, avec des zones de conseil, des forums, un esprit communautaire. » Dans le cadre d’un projet de fin d’étude, elle crée sa page perso, Zazieweb. L’homonymie avec feue l’émission de France 3 n’est qu’un hasard, assure-t-elle. « Je voulais faire l’Amazon français ! La vente en ligne n’est pas incompatible avec le conseil. » Son dossier sous le bras, elle va voir les pointures de l’époque. « Ils me riaient au nez, sans réflexion aucune sur la communauté de lecteurs. Avec le recul, j’ai l’impression de leur avoir apporté des idées, mais de n’avoir rien obtenu en retour. »
Bibliothèque idéale
Sans regret, Isabelle quitte Paris pour Lyon. Elle y trouve un job dans une webagency. Un beau jour de 1999, elle réalise qu’elle a passé sa matinée de travail à alimenter Zazieweb. C’est l’époque des start-ups aux levées de fond mirifiques. « Je me suis dit : ‘‘pourquoi pas moi ?’’ ». Avec deux stagiaires de l’INSA, une école d’ingénieurs lyonnaise, elle travaille à la nouvelle formule. « Sans eux, j’arrêtais le projet », reconnaît-elle. Aujourd’hui, Isabelle travaille toujours à Lyon et toujours avec des stagiaires : deux à la technique, deux au contenu. Elle recherche son « mécène avisé ». À l’heure des start-downs, comment faire rimer littérature online et rentabilité ? Elle vit sur ses économies. Il y a certes la publicité - de 4 000 à 6 000 francs par mois - et une vitrine payante réservée aux éditeurs. Desclée de Brouwer, L’...clat, Jérôme Millon ont répondu présents. Mais Isabelle n’a pas abandonné son idée de vente en ligne d’une littérature non conventionnelle. Dans cinq ans, elle voit bien son site évoluer vers un « centre de tri » d’où naîtrait une bibliothèque idéale. « À l’instar de Napster, les lecteurs s’échangeraient bonnes adresses ou fichiers... Tout est à construire. »