Thomas est amoureux est le premier long-métrage européen à parler d’Internet. Mais aussi de relations humaines et de sexe. Ce qui explique que ce film futuriste ait provoqué un tollé en Belgique. Sortie sur les écrans français mercredi 20 juin.
Comme son nom ne l’indique pas, Thomas est amoureux est un film de science-fiction. Mais de " science-fiction belge " précise son réalisateur, le Bruxellois Pierre-Paul Renders. Et la précision change tout : ici, ni mégalopoles futuristes, ni invasions extraterrestres. Le décor du film est un écran. Un simple écran que Thomas, le héros du film, ne quitte pas de la journée, et pour cause : atteint d’agoraphobie, il ne peut sortir de chez lui et le contact physique avec d’autres personnes lui est insupportable. Ce reclus n’a de communication avec le monde qu’à travers une sorte de visiophone sophistiqué, qui fait furieusement penser au Web.
La réalité a rattrapé la fiction
Pierre-Paul Renders, le réalisateur, a la judicieuse idée de mettre le spectateur dans la peau de Thomas durant 90 minutes via une caméra subjective. Mais ce long-métrage couvert de prix (dont deux à Venise et le Grand Prix de Gerardmer) est naturellement plus qu’un surf de cinéma. D’ailleurs, le mot " Internet " n’est pas prononcé une fois dans Thomas est amoureux. " Le film a été écrit en 1995, bien avant que le Net n’explose auprès du grand public, raconte Renders. Ce qui est incroyable, c’est que la réalité ait rattrapé la fiction ".
Le scénario nous gratifie tout de même de quelques inventions SF futées : le poème en vidéo, le cyber-répondeur ou le sexe virtuel. Cette dernière trouvaille, explicitée par une scène d’union en apesanteur impliquant une pulpeuse créature 3D, a irrité les censeurs belges : ils ont interdit le film aux moins de 16 ans ! La décision, appuyée sur une loi bizarre de 1920, a provoqué un tel tollé dans la presse que des politiques ont même appelé à modifier l’obsolète législation. " Nous sommes contents que le film ait fait évoluer la loi, mais consternés qu’il soit fermé aux collégiens, commente Renders. Ce n’est pas un film sur le cybersexe, c’est un film fait pour ouvrir le débat ".
Individualisme et cocon
Débat qu’au premier abord, on craint d’avoir un peu trop entendu ces derniers temps. Thomas agoraphobe n’incarne-t-il pas le mythe de l’internaute autiste, coupé du monde ? Heureusement, le film évite le cliché : " Ce qu’on reproche à l’Internet n’est que le symptôme d’un changement sociologique plus vaste, explique Renders. Le film parle de cette distanciation qui existe de plus en plus entre les gens. La société nous pousse à l’individualisme, à l’enfermement dans un cocon ". Voilà pour ceux qui s’attendent à tomber sur un objet pour nerds.
Reste un premier long-métrage tourné en vidéo, qui cache bien ses petits moyens grâce à beaucoup d’imagination et un jeu d’acteur très juste. Malgré le scandale, Thomas est amoureux n’a pas rencontré un grand succès public à sa sortie en Belgique. Peut-être les Français seront-ils plus sensibles au charme décalé de cette production très belge.