Réunie du 7 au 20 juin, la Conférence de la Haye veut harmoniser les prérogatives des ...tats en matière d’application du droit.
Comment harmoniser les règles de droit entre 50 pays ? C’est le casse-tête dont est chargée la Conférence de La Haye, réunie depuis le 7 juin, et jusqu’au mercredi 20 juin aux Pays-Bas, pour tenter de dégager un consensus sur les règles applicables et les tribunaux compétents en matière de contentieux civils. Au premier rang desquels figurent ceux qui se développent autour du commerce électronique et de la liberté d’expression sur Internet.
Univers juridiques conflictuels
La "conférence", organisation intergouvernementale plus que centenaire travaille à l’élaboration de traités multilatéraux et de conventions juridiques entre les ...tats. But : unifier progressivement les règles du droit international privé. Celui par lequel on règle les problèmes du commerce ou du divorce, par exemple. Cette fois, l’organisation a mis a son programme l’exécution des jugements civils et commerciaux. Objet : faire reconnaître leur validité dans tous les pays, les faire exécuter et s’accorder sur les compétences des tribunaux. L’affaire est délicate, d’autant qu’elle confronte des univers juridiques conflictuels facteurs de joyeux étripages, notamment entre les Européens et les Américains. In memoriam : l’affaire Yahoo !. Qui vit un juge Français condamner la société américaine à bloquer tout accès à son site d’enchères aux internautes hexagonaux parce qu’il proposait des objets de la période nazie. Or, sur son territoire d’origine, les ...tats-Unis, l’entreprise n’encourre pas les foudres de la loi pour un tel commerce. Cette initiative, Thibault Verbiest un avocat belge spécialiste des nouvelles technologies (1) la qualifie de "dangereuse boîte de Pandore".
Le critère de prévisibilité
C’est de ces conflits de frontières juridiques que la convention de La Haye, telle qu’elle est projetée, devrait tenter de venir à bout. Elle propose notamment, pour déterminer quel juge est compétent pour arbitrer de semblables conflits, de s’en tenir au "lieu où le fait dommageable s’est produit". Ce critère, déjà consacré par le Cour de justice des Communautés européennes, un grand nombre de pays l’appliquent depuis longtemps. Mais le projet de La Haye ne s’en tient pas là : il réduit singulièrement cette possibilité de faire valoir ses droits simplement, "chez soi". S’il était prouvé qu’une entreprise ou une personne dont la responsabilité est mise en cause "ne pouvait pas raisonnablement prévoir" que le dommage dont on lui fait grief créerait un préjudice dans un autre pays, le plaignant ne pourrait pas demander justice dans son pays de résidence. C’est ce critère, dit de "prévisibilté", qui permettrait d’éviter des affaires judiciaires à la Yahoo !, explique Thibault Verbiest ( lire l’interview liée).
Multitude de législations
Cette proposition ne fait pourtant pas l’unanimité au sein de la Conférence de la Haye. Les Américains, notamment, la jugent insuffisamment protectrice au regard de leur droit. Elle ne protégerait pas, par exemple, un citoyen américain postant un message sur Internet, de poursuites pour diffamation dans un pays tiers où la liberté d’expression serait moins bien garantie que chez lui. Enfin, pour ce qui concerne le commerce électronique, associations de consommateurs et entreprises s’affrontent. Les premières militent pour que les droits des consommateurs soient garantis par la législation de leur pays. Les secondes : pour que prévale le droit en vigueur au siège des sociétés. Toutes le font pour le même motif : il y a plus de sûreté juridique a exercer un droit qu’on connaît plutôt qu’à se confronter à une multitude de législations. Le 20 juin, un compromis aura, peut-être été trouvé.
(1) Le droit de l’Internet et de la société de l’information, Thibault Verbiest et Etienne Wéry. Editions Larcier. Bruxelles 2001.