La Poste met les bouchées double pour que les Français prennent une adresse @laposte.net. Mais son "jeu d’adresse" a tourné au spam incontrôlé.
Deux voitures Volkswagen, six voyages à Cuba, cinq séjours au Sénégal, dix séjours en thalasso, des centaines de chèques cadeaux. Un million de francs de dotation environ. La Poste n’hésite pas à mettre la main à la poche pour attirer l’internaute sur "Jeu d’adresse", son nouveau jeu-concours. Aucune habileté n’est nécessaire pour y participer. Il faut juste disposer d’une adresse électronique sur @laposte.net. Une condition assez discriminatoire. Mais, à La Poste, tous les moyens sont bons pour gonfler son portefeuille de comptes mails. Depuis août 2000, 430 000 personnes se sont inscrites. Une misère quand on sait que la France compte 35 millions de boîtes électroniques. Une misère quand on s’appelle la Poste et qu’on veut "faire de son offre d’adresse électronique une référence en la matière".
Ambitions internationales
La vitesse supérieure a donc été passée : quatre millions de prospectus vantant l’offre Internet de la Poste vont être distribués, 14 000 bureaux sont "animés aux couleurs des nouvelles technologies" (c’est le dossier de presse qui le dit), des campagnes télé et radio sont en cours. "Nous avons des ambitions internationales et comptons réunir plusieurs millions d’adresses assez rapidement", résume Patrice Cochin, responsable du courrier électronique à La Poste. Mais l’image de sérieux de La Poste ne semble pas totalement séduire les Internautes. Lancé le 5 juin, le fameux "Jeu d’adresse" n’aurait pour l’instant attiré que 2 000 participants dans ses filets richement dotés.
Malheureuse initiative
Shootgame, spécialiste des jeux-concours et créateur de "Jeu d’adresse", a donc décidé de réveiller, le 13 juin, les ardeurs de sa communauté de joueurs en ligne. Mais les 15 000 mails envoyés ne sont pas arrivés dans les bonnes boites. Un spam involontaire en quelque sorte. "C’est une erreur du prestataire. Une malheureuse initiative", s’empresse d’expliquer Patrice Cochin. Chez Shootgame, Frédéric Poirot reconnaît l’erreur. "Cet e-mailing n’était pas prévu par La Poste. Il a effectivement été réalisé de ma propre initiative. Mais il ne s’est pas déroulé comme prévu à cause d’un problème technique chez notre centre serveur", raconte-t-il. "Nous ne sommes pas des spammeurs", insiste Patrice Cochin. Mauvaise affaire tout de même pour La Poste qui voit son nom associé à l’affaire. Une leçon pour le service public qui demande expressément aux utilisateurs d’une adresse @laposte.net de "ne pas utiliser le courrier électronique dans un but commercial", ni "d’effectuer de multipostage sans sollicitation des destinataires". Reste que la récolte des e-mails continue à La Poste. À l’avenir, les internautes pourraient constituer d’excellentes cibles pour des publicités déposées dans leurs boîtes à lettre physiques. Martin Vial, le PDG de La Poste, ne fait-il pas remarquer dans son livre La lettre et la Toile, que les internautes américains reçoivent quatre fois plus de courrier physique qu’un citoyen lambda (brochures commerciales personnalisées, messages publicitaires...). Il va falloir agrandir les boîtes.