Les daltoniens s’empêtrent dans les hyperliens, les sourds veulent des sous-titres : au nom de l’égalité d’accès, le gouvernement américain va simplifier 30 millions de pages web.
Le 21 juin, 16 nouvelles normes cadrant les sites de l’administration américaine entreront en vigueur. Leur objet : rendre l’accès au Web plus facile aux handicapés. L’éventail couvert est vaste. Il prévoit pour les hyperliens l’emploi de couleurs identifiables par les daltoniens, ou l’ajout de sous-titres aux clips audio et vidéo, à l’intention des malentendants. "Même si la chose paraissait impossible à beaucoup, persifle le New York Times, les sites du gouvernement fédéral vont devenir moins intéressants. Et sous un angle au moins, il faut s’en féliciter." Les webmestres de la fonction publique seront désormais tentés de supprimer les animations et autres graphismes accrocheurs connus sous le nom de "eye candy". "À court terme, il y aura un retour du conservatisme", déclare Walt Houser, webmestre au département des Anciens combattants. Les 30 millions de pages web dépendant du Gouvernement ont donc toutes les chances de ressembler à ce qu’elles étaient en 1994.
Clips sous-titrés
Néanmoins, rendre l’Internet accessible à ceux qui ne peuvent ni voir, ni entendre ni toucher ajoute une nouvelle dimension au défi. Si des pages de texte ne comportant qu’un faible nombre d’images sont faciles à rendre accessibles aux aveugles - les logiciels de lecture à haute voix ont toutes les chances de les traverser sans anicroche - les éléments interactifs ou multimédias du Réseau ne seront pas si faciles à mettre à portée des handicapés. Ajouter des sous-titres à un clip peut demander beaucoup d’argent, d’effort, de temps. Si, pour se garder des assignations en justice et limiter les frais, les webmasters limitent leurs recours au multimédia, cela se remarquera-t-il ? Non, et d’autant moins que les sites gouvernementaux visent à informer, pas à distraire. Des animations en Flash 5 sur le site des Contributions directes seraient autant à leur place que des sièges cuir sur un semi-remorque.
Interactivité réduite à sa plus simple expression
En adoptant ces nouveaux standards, le gouvernement s’implique néanmoins dans un processus qui peut être lourd de conséquences pour le design multimédia au sens le plus large. Prenez le Musée national de l’histoire américaine. Faisant partie de la Smithsonian Institution, il est tenu de rendre son site accessible, sans devoir pour autant se plier aux normes visant les agences fédérales. Pour "Derrière ces murs", une exposition chroniquant deux siècles de vie quotidienne dans la même maison, le musée a monté une exposition virtuelle ou des fenêtres coulissantes et d’autres dispositifs animés encouragent les visiteurs en ligne à explorer les recoins du décor. Mais les concepteurs n’ont pas déniché les logiciels qui auraient pu offrir au public handicapé une version accessible de l’expérience. Ils ont donc créé un second site, où l’interactivité est réduite à sa plus simple expression - comme d’ailleurs son attrait...
Quelques webmasters fédéraux se montrent pourtant philosophes. David Low, qui préside au site du National Endowment for the Arts (Fonds national pour les arts), s’apprête sans frémir à revoir le style de ses pages. Comme un peintre dont on réduirait la palette au vert et au bleu, il voit dans l’affaire un défi créatif : "De façon un peu zen, plusieurs de ces paramètres nous enjoignent de réaliser quelque chose d’élégant et de relativement simple. C’est exactement ce que nous voulons."
L’article du
New York Times:
http://www.nytimes.com/2001/06/11/t...
L’exposition "Derrière ces murs" du National Museum of American History (versions Flash et non-Flash):
http://americanhistory.si.edu/house...