Inauguré jeudi 31 mai, le forum des droits sur l’Internet compte aborder en premier lieu l’utilisation des réseaux au travail et le règlement des conflits en dehors des tribunaux.
La route des droits de l’Internet risque d’être encombrée pour le Forum inauguré jeudi 31 mai par la conseillère d’...tat Isabelle Falque-Pierrotin. Organisme de "corégulation du Net" au statut purement consultatif, le Forum des droits sur l’Internet (FDI), s’il rencontre l’adhésion du public, va devoir ménager la susceptibilité des entités vouées à traiter de questions similaires. Ainsi la grande prêtresse du forum a-t-elle précisé que le FDI ne donnerait pas son avis sur les chantiers législatifs en cours comme, par exemple, la loi sur la société de l’information, "sauf demande expresse du gouvernement". "Il est normal de laisser au Parlement le soin d’en débattre", plaide Isabelle Falque-Pierrotin qui ne souhaite pas s’embrouiller avec Matignon. Les cabinets ministériels, il faut dire, ont suivi d’un œil attentif l’élaboration de l’organisme. Un conseiller s’estimait même satisfait, il y a quelques mois, d’avoir reçu "l’assurance que le Forum ne servirait à rien".
Labellisateur de labels
Le domaine d’intervention du Forum trouve sa limite dans les missions déjà dévolues à d’autres. Les droits d’auteurs sur Internet, relèvent du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, récemment mis en place par Catherine Tasca. Celui-ci étant animé par un autre conseiller d’...tat, Jean-Ludovic Silicani, la probabilité de voir les deux organismes empiéter l’un sur l’autre semble faible. Un temps envisagée par Christian Paul, initiateur du FDI, une intervention dans le domaine des labels a été abandonnée. "Le forum ne sera pas un labellisateur de labels pour les sites", indique Isabelle Falque-Pierrotin, qui estime que cette mission relève de l’administration. Enfin, la protection des données personnelles relève de la compétence de la Commission nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), qui tient jalousement à ses prérogatives.
Influence de la technique
L’un des premiers thèmes dont se saisira le FDI concerne Internet et les relations du travail. La question du surf des salariés et du flicage par l’entreprise a justement fait l’objet d’une recommandation de la CNIL, il y a quelques mois. Conflit de compétences ? L’approche du problème sera sans doute différente. Dans la méthode en tout cas, puisque, ainsi que le rappelle Jean-François Abramatic, membre du forum et chercheur à l’INRIA (Institut national de la recherche en informatique et automatique), "on amène le public à se prononcer, au fur et à mesure, sur des questions technologiques qui ont une influence directe sur la société". Plutôt que le surf au bureau, pourquoi ne pas avoir choisi un thème plus emblématique de la liberté d’expression sur le réseau ? "C’est précisément une question essentielle en matière de liberté d’expression", répond Sébastien Canevet, professeur de droit et membre du conseil d’orientation du FDI, selon qui le problème de la prescription sur Internet, par exemple, est plus "ponctuel".
Instance de médiation
L’universitaire aura une part active dans le deuxième chantier annoncé par le Forum : le "règlement extrajudiciaire des conflits". La médiation entre les acteurs du Net constitue un outil privilégié de la corégulation. Et c’est une activité "qui n’a pas d’effet juridique", rappelle Sébastien Canevet. Certains avocats, détracteurs du forum, se plaisent d’ailleurs à ironiser sur les effets de telles mesures. En matière d’Internet pourtant, la pratique a souvent porté ses fruits dans des conflits où certaines sociétés commerciales n’hésitent pas à utiliser le marteau des tribunaux pour écraser une mouche. Sébastien Canevet milite pour que le FDI devienne lui-même une instance de médiation. L’association s’appliquera, par ailleurs, à informer le public sur le droit applicable à l’utilisation d’Internet, ainsi qu’à susciter une réflexion sur les solutions à mettre en œuvre au niveau international, dans des dossiers comme celui de l’affaire Yahoo !, par exemple. Dans tous les cas, les travaux effectués par l’organisme restent des recommandations. Ainsi bordé de tous côtés, que sortira-t-il du chapeau du Forum ? La réponse dépend de sa faculté à intéresser les internautes. Le FDI, en effet, pourra se saisir des questions soulevées par les utilisateurs du Net. Et ceux-ci ne se soucieront peut-être pas de savoir s’ils marchent sur les plates-bandes de tel ou tel organisme.