Des actionnaires individuels de Lernout & Hauspie proposent un plan de sauvetage pour éviter la liquidation de la société. Les chances de succès sont incertaines.
Ils se nomment les Believers. "Parce que nous croyons à la résurrection de Lernout & Hauspie", prêche Roger Van Praet, qui a pris la tête de ce groupe d’actionnaires individuels mécontents. Leur objectif est de défendre les droits des petits porteurs de la société belge spécialiste de la reconnaissance vocale. Elle a déposé son bilan au mois de novembre 2000, après avoir découvert que près de la moitié de ses ventes étaient... fictives. Or pour l’instant, le plan établi par Philippe Bodson, le nouveau dirigeant de la société, prévoit la liquidation de la plupart des actifs, par le biais d’une nouvelle société (provisoirement appelée NewCo), au détriment des actionnaires minoritaires qui perdraient la quasi intégralité de leur mise. "Au total, cela représente environ 100 milliards de francs belges (16 milliards de francs) envolés dans la nature)", affirme Roger Van Praet. Du coup, son association a rédigé une contre-proposition au plan Bodson.
Contre-feux
Selon ce plan, Lernout & Hauspie ne se lancerait pas dans une cession massive de ses actifs. "Pourquoi vendre maintenant alors que les valorisations de sociétés technologiques sont au plus bas. Nous pensons qu’il vaut mieux protéger l’entreprise", plaide Roger Van Praet. Il tient d’ailleurs à se distinguer d’autres actionnaires qui, avec l’appui du cabinet juridique Deminor, ont intenté des actions en justice contre Lernout & Hauspie et ses anciens dirigeants afin de récupérer des dommages et intérêts.
Pour se faire entendre, il a donc préféré contacter les banques de Lernout & Hauspie pour qu’elles appuient son projet. Glissant au passage que "les 100 000 particuliers belges ayant acheté des titres Lernout & Hauspie sont aussi des clients pour ces banques...". Dans le plan Bodson, les dettes des banques seraient converties en actions du consortium de liquidation NewCo. Concrètement, les Believers demandent donc aux banquiers d’échanger une action NewCo pour cinq actions Lernout & Hauspie.
Roger Van Praet cherche également à faire pression auprès d’hommes politiques pour qu’ils prennent publiquement position en sa faveur. "La débâcle de Lernout & Hauspie est un grand choc pour les Flamands, notamment parce que l’implication de nos hommes politiques au démarrage de l’entreprise lui avait conféré une image forte", explique-t-il. Aucune réponse ne lui est pour l’instant parvenue, mais il ne désespère pas.
Soutien d’un raider
Pour mettre sur pied un plan de redressement cohérent, les Believers ont reçu l’aide de l’homme d’affaire flamand Tony Graem, qui en est le véritable artisan. "Il respecte notre volonté de participer à la suite de l’aventure Lernout & Hauspie et son nom crédibilise notre plan", se réjouit Roger Van Praet. Tony Graem est connu en Belgique pour racheter à bas prix des sociétés en difficultés pour les redresser... ou les liquider. On espère donc que ses intentions sont bonnes.
Contactés par Transfert, les dirigeants de Lernout & Hauspie n’ont pas souhaité réagir. Mais ils n’ont pas accueilli de bonne grâce la contre-proposition. "Ils m’ont dit que le seul plan officiel est pour l’instant celui préparé par leurs soins", témoigne Roger Van Praet. Les Believers en sont donc réduits à attendre la réponse officielle des créanciers de Lernout & Hauspie. Parallèlement, trois avocats étudient pour eux les possibilités d’actions en justice s’ils n’obtenaient pas satisfaction. "Nous prendrons une décision dans la semaine, mais ce n’est pas ce que nous souhaitons. Nous recherchons au contraire un concordat à l’amiable et sommes ouverts à la discussion tant qu’on nous laisse une place", tempère Roger Van Praet. Encore optimiste.